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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

samedi 24 décembre 2011

Semaine de Noël à Paris


Lundi

Exposition « La Mélancolie » à Paris.
Les têtes sont penchées et la main les retient.
J’ai souvenir de cette grâce de mon frère.
Sa mélancolie à lui
était d’une élégance de prince des songes.
Le spleen du XIX ème siècle
A la Baudelaire, à la Byron.
Le tableau de Hopper
Saisissante solitude de l’ouvreuse
dans le théâtre.
 Je l’avais oubliée
ou peu regardée à Giverny
Il n’y a pourtant pas si longtemps.


Mardi

La fête de l’éditeur au China club.
Tout ce que j’exécre 
les fausses embrassades des retrouvailles amicales
les dessertes de nourriture inabordable
les pieds anonymes sur lesquels marchent les cannibales du buffet froid
la fumée
le bruit
les verres renversés
ceux qui se déplacent auprès de qui il faut
ceux qui ont l’assurance des déjà bien en vus sur les places parisiennes
les yeux qui cherchent le meilleur placement de la soirée.
Fuir,
          fuir…
                      fuir…


Mercredi

Retrouver dans la même journée
deux amis :
lui puis elle.
Se laisser aller à dire
sans compter les syllabes du bien parler correct.
Elle,
parce qu’elle comprend tout
même avec peu de mots
lui
parce qu’il continue de faire encore l’admirateur
au bout de tant d’années
et que c’est plaisant tout de même pour l’égo.


Jeudi

Au théâtre Mogador :
« Swan Lake »
Catherine me l’a offert pour mon anniversaire.
C’est plus qu’un cadeau.
Un ravissement de l’œil et du fantasme.
 Deux heures quarante de jubilation.
Rester sur son fauteuil,
attendre que ça recommence,
encore et encore.
 Pourquoi ai-je oublié ma baguette magique ?


Vendredi

Quitter Paris.
Remonter les Champs Elysées pour rejoindre le métro et la gare.
Devant les vitrines de Vuitton,
les cordes de velours maintiennent le service d’ordre
des affamés du luxe dit à la française.
Ils font la queue sans impatience.
Après leurs achats,
ils iront se réchauffer au thé du Fouquet’s
et aux macarons de Ladurée.
Pendant que les jeunes japonaises n’en peuvent plus
de serrer avec joie leurs innombrables paquets,
plus bas
quelque part dans Paris
les Restos du Cœur distribuent les surplus de la grande distribution.
 Les illuminations s’enroulent dans les arbres.
De près elles sont quelconques
mais c’est en perspective qu’il faut se laisser éblouir.  

lundi 28 novembre 2011

J'aime... J'aime... J'aime : "La femme de Gilles" de Madeleine Bourdouxhe

Un homme et une femme s'aiment. Mariés depuis longtemps, ils élèvent leurs deux petites jumelles et attendent un troisième enfant. Gilles travaille en usine. Les trois huit. Elisa s'occupe du foyer.
Elisa aime Gilles. Amour intemporel et inébranlable, forgé dans la jeunesse, exempt de grandes démonstrations, mais façonné de quotidiens sans histoire. Cet amour-là, c'est pour la vie et peut-être davantage, si l'éternité le permet. 
En famille, la vie est sage, régulière, prévisible. Ce n'est pas le paradis, mais ça lui ressemble. 
Dans cet univers qui ne semble pas prédestiné au malheur, se tient le diable. Victorine, la sœur cadette d’Élisa. Candide, jeune et jolie. J'allais écrire : fraîche... Victorine, des jambes qui aimantent le regard, des seins hauts placés qui excitent l'appétit des mains. 
Pour Gilles, la porte de l'enfer s'ouvre brutalement sur la rage du désir. Une attirance fulgurante et tellement inattendue pour cette gamine qu'il côtoie tous les jours. Le désir de Gilles est un gouffre qui s'ouvre sur le tracé ordinaire de sa route. Il ne s'y attendait pas. Il n'a rien vu venir sous ses pas.  L'homme trébuche et tombe. Sur ce mari si sérieux, le piège se referme.
De la passion charnelle que Gilles va vivre avec Victorine, Madeleine Bourdouxhe nous raconte peu de choses. On devine. Ce n'est pas un faux-pas du démon de midi qui saisit Gilles, mais bien plutôt une longue maladie incurable, un cancer du cœur et surtout du corps, une passion dévorante, de celles qui consument et font vaciller la raison.
Le roman s'attache à Elisa. A ses sentiments, à partir du moment où elle sait. Ce moment, elle l'a perçu, tout de suite, dans le premier frémissement des regards de sa sœur et de son mari,  de ces deux-là qui vont jouer dorénavant  (mal !) la comédie des liens familiaux. 
Elisa sait, ronge son âme et patiente. L'abnégation de son amour la conduit à devenir, chose incroyable! la confidente de Gilles. Cruauté de ce dernier ? Bêtise ? Inconscience ? Il se livre dans la nudité impudique des mots qui racontent la liaison. Comme il le ferait avec son meilleur ami, sans retenue. Sauf que Gilles n'a pas d'ami et qu' Elisa est seule à pouvoir l'écouter.
Il raconte sa jalousie exacerbée d'homme relégué au second plan par Victorine, petite Carmen de pacotille, écervelée, peut-être nymphomane, qui s'est vite lassée de Gilles, qui se tourne maintenant vers un autre, un commerçant de la ville, pour son argent, pour le changement de partenaire, pour vibrer dans d'autres bras. 
Gilles revient vers Elisa, dans l'intranquillité de celui qui souffre.Il dit qu'il est guéri, qu'il ne pense plus à Victorine, et que quand c'est encore le cas, tout ça lui est indifférent. Son monde est vide à présent.
Et si le vide était maintenant le destin d'Elisa?...
Ce que j'aime dans ce roman c'est la palette des sentiments éprouvés par Elisa durant la liaison de Gilles et de Victorine. Je l'ai dit déjà, mais comment ne pas le répéter, Elisa aime Gilles d'un amour d'airain. Beau, grand et généreux. Dans la souffrance et la douleur muette. Les mots qui diraient l'amour et la fidélité ne sortent pas de sa poitrine blessée. Les tendres caresses, dans le grand lit froid de la solitude à deux, n'expriment ni le désarroi, ni la désespérance qui obsèdent. 
Et puis, cette douce et insupportable attente. De quoi ? Du départ de Gilles avec Victorine? Du retour de Gilles vers sa femme, ses petites jumelles, le petit garçon né dans une presque indifférence? D'un événement majeur redoutable qui modifierait le cours de la vie d'aujourd'hui ?
Lisez ce beau roman écrit dans l'élégance, la pudeur et toute la retenue de la langue. Les mots du drame s'avancent à petits pas, ne nous bousculent pas, attendent leur heure.   








mardi 15 novembre 2011

Leur guerre préférée


Leur guerre préférée 
Ombres et lumières familiales. -1935 - 1945 -
éd. L’Harmattan

     Parcourant dix années, de 1935 à 1945, ce récit entremêle deux guerres. Bien sûr, il y a la grande, la vraie, celle des combats de 40-45 qui fauche des millions de vies humaines. Et puis aussi l'autre guerre, la petite, la mesquine. Celle-là ne tue pas avec des armes mais à coups de mots qui dévastent les cœurs et ravagent le quotidien. Et, d'une guerre à l'autre, se déroule sous nos yeux le destin de Lorenzo et Claudia, un jeune couple, uni pour le meilleur et pour le pire, pris au piège des conflits intimes et des tourmentes de l'Histoire du XXe siècle. L’élan juvénile est là. D'autres pourraient tout juste survivre dans les chaos de leur existence. Eux se battront pour conquérir la liberté. Pour VIVRE.

 
 L'Espace Mode et  Danièle CHINÈS

ont le plaisir de vous inviter à la présentation du livre

Leur Guerre Préférée

Ombres et lumières familiales. 1935/1945
Le jeudi 1er décembre 2011 à 17h30

53, bd des Martyrs de la Résistance à Draguignan

lundi 14 novembre 2011

Prochains rendez-vous

A votre intention, quelques rendez-vous de mon calendrier :

- Mardi 15 novembre à 20h30. Présentation de mon dernier ouvrage "Leur Guerre Préférée".
Les Mardis littéraires de Jean-Lou Guérin. Café de la Mairie. 8, place St Sulpice. PARIS

- Jeudi 17 novembre de 9 à 11heures. "Demi-frères, demi-sœurs: amour et conflits". Intervention dans l'émission de télévision "Mon bien-être". Chaîne Direct 8 

- Samedi 19 novembre de 10 à 12heures. Présentation de mon dernier ouvrage "Leur Guerre Préférée".
Médiathèque. 78620 L'Etang la Ville.

- Vendredi 25, samedi 26, dimanche 27 novembre. Présentation et signature de mes ouvrages.
Salon "Mille et un livres". 83440 Fayence.

- Jeudi 1er décembre de 17h30 à 19heures.Présentation de mon dernier ouvrage "Leur Guerre Préférée".
Espace Mode. 53,bd des Martyrs de la Résistance. 83300 Draguignan.

Jeudi 13 décembre à 18h30. Conférence : "La psychanalyse a-t-elle un avenir?"
Médiathèque. 83340 Le Cannet des Maures

dimanche 30 octobre 2011

" Les copains d'abord"

Chante, Georges, chante encore et toujours, "Les copains d'abord", les copains d'alors. Et que tes paroles et ta musique couvrent les trompettes de la renommée de ceux qui, aujourd'hui, ne sont que d'indigentes marionnettes du petit écran.
- "Ne suis-je pas une journaliste professionnelle?"
- Peut-être, mais vous êtes d'abord la nièce de ...
- "Ne suis-je pas un chanteur dans le vent?"
- Possible, mais vous êtes d'abord le fils de... et de...
- "Ne suis-je pas une jeune comédienne convaincante?"
- J'en doute, mais vous êtes avant tout la fille de... et de...
Mon cher Georges, veux-tu que je poursuive ou en as-tu assez de mes pointages de copinage et de népotisme? Si tu vivais encore, tu nous aurais sans doute fourbi un refrain bien à toi, comme l'auraient fait aussi nos copains Le Luron, Desproges et Coluche, qui soit dit en passant, se sont faits tout seuls. Eux!
Ah! tu me diras, il y a des exceptions qui confirment mon indignation : Claude est bien le fils de Pierre, Sacha celui de Lucien... Dominique, celui de Ramon. Mais j'ai beau cherché ce soir, je n'en vois pas beaucoup d'autres!
Je te salue, Georges, toi, tes copains l'Auvergnat, l'Hotesse, l'Etranger, Margot, Fernande et tous ceux qui, grâce à toi, sont nos copains de coeur pour toujours.

mercredi 26 octobre 2011

Tunisie... Libye...



Femmes

Au début des années 70
ce qui m’occupe
c’est le combat des femmes
le militantisme de l’avocate Gisèle Halimi
pour ne pas lâcher prise
face aux conservateurs d’une morale réactionnaire
où la place de la femme est limitée à la sphère privée

Il vaut mieux qu’elle souffre !
qu’elle meure !
par les mains des faiseuses d’anges
plutôt que d’accéder à une libre contraception
et du même coup
à une sexualité du plaisir !

La lutte de Simone Weil
pour la légalisation de l’avortement
émaillée d’insultes à l’Assemblée Nationale
L’Histoire retiendra la photo
de cette femme forte et déterminée
brutalement invectivée
s’effondrant sur son siège
la tête entre les mains
et le silence fracassant qui suivit dans l’hémicycle

Dans les combats du Mouvement Féministe
des années 70
je me suis reconnue
Les voix d’Hélène Cixous
des sœurs Groult
dominent pour moi
Même si j’ai déploré quelques dérapages regrettables
sur la notion de devoir conjugal
qui a desservi la Cause
Répondre aux femmes
qui arboraient ces pancartes
qu’elles avaient encore à parcourir
les routes de la liberté sans revanche

Mon militantisme
c’était aussi des désaccords sur les outrances
et les caricatures
et les déviances provocatrices
              

Parler de devoir conjugal
est synonyme de soumission
avertit de l’échec du respect
montre la haine et non l’amour
Il n’y a pas de couple sans amour
et pas d’amour dans le couple
conclu sur le devoir conjugal

L’année dernière
j’ai été très fière de sortir de ma bibliothèque
pour une de mes petites-filles
un livre de Benoîte Groult
sur l’excision des femmes dans le monde
et de lui décrire
le chemin parcouru
par les générations de femmes dans notre famille

Ma génération
est à la charnière des drames et de la liberté

C’est celle de la victoire
de la pilule
sur les avortements clandestins
les souillures du corps et de la honte
la boucherie de l’hôpital
et la mort au bout du calvaire

C’est le beau livre dénonciateur de Simone de Beauvoir :
 Le deuxième sexe

Je suis de celles qui ont vécu la peur aux tripes
quand les règles tardaient à venir
quand elles commençaient à vomir sans raison apparente
quand la méthode Ogino signait une fois de plus
les approximations de ses calculs

Puis le planning familial
Cette parole vraie, simple, sans tabou
sur la sexualité, le plaisir féminin
le droit au refus de la maternité
cette liberté
inimaginable durant tant de siècles
tout à coup
légèreté
libération
de la contraception facile et
de la maternité voulue

Aujourd’hui
je me surprends
à défendre les femmes
avec presque autant d’intolérance
d’insolence
que ceux qui infligent aux filles le voile
et aux femmes la burqa

Ma révolte est viscérale
elle monte des profondeurs de mon être du passé
fruit d’un combat avec lequel je me sentais en accord hier
à présent un peu dépositaire d’un engagement
un peu garante
d’un long chemin de luttes qu’il ne faut pas occulter
auxquelles il ne faudra pas renoncer
jamais
toujours et encore d’actualité

L’aliénation des filles voilées
dans les banlieues d’ici et d’ailleurs
à la Gabelle de Fréjus
à la Duchère de Lyon
dans ma petite ville du Muy
qui se soumettent pour ne pas être importunées
qui prétendent
parce qu’on les a endoctrinées
que le voile est une revendication identitaire
un choix personnel
me soulève le cœur

Parce que je sais
que derrière ce voile
qui camoufle les attributs de la féminité
sur ordre des mâles qui ont si peur
certains hommes sont là
qui imposeront la charia
usant de leurs pouvoirs
pour asservir le Féminin
Au-delà de ces dictatures
se dissimulent les mêmes perversions  « ordinaires »
d’autres humains
et les mêmes terreurs de l’homme face à la femme

Quand
dans combien d’années
les hommes seront enceints
et mettront eux aussi les enfants au monde
peut-être la peur s’estompera
et l’égalité pointera le bout de son sexe

Le drame de l’inégalité des sexes
est largement favorisé par les reproductions éducatives
dont sont complices les mères
C’est la mère
presque exclusivement
qui fabrique des garçons
machos
et des filles
candidates à la soumission
au mari qu’on choisit pour elle
fut-il aussi vieux que son grand-père

Malheur à celle qui enfreint
la loi de la virginité
et de la fidélité dans le mariage

Je tiens de ma grand-mère et de ma mère
le Sens du Féminin
la revendication d’une liberté inaliénable de la femme
Ma mère exigeait de travailler
s’est battue pour travailler
exerçait un métier d’homme
Et quand la colère montait
face à un interlocuteur indélicat à son égard
ou irrespectueux de la femme
elle s’écriait
Une seule chose nous différencie
Vous pissez debout

Bien longtemps
après avoir quitté la maison d’enfance
j’ai
par amour de la langue
étudié cette phrase
hiatus du niveau de langue
Une seule chose nous différencie
bonne tenue correcte des mots
on s’attend à une suite comparable
arrive une chute inattendue
on ne peut plus imagée
du côté du parler familier
Vous pissez debout

Ma mère ne mâche pas ses mots
elle n’a pas de temps à perdre
dans la frivolité des phrases de salon

Elle prend à peine le temps d’accoucher
se relève pour défendre La Paix dans le monde
et lutter contre toutes les guerres
Fait signer l’appel de Stockholm
Elle dit
La guerre est une ogresse à canons
qui ignore les larmes
et les voiles du deuil
Elle sait de quoi elle parle
la généralisation pudique
laisse intacte au-dedans d’elle les souffrances du passé

Pour moi
la paix
n’est pas un concept
ou si peu
C’est une réalité
défendue par les femmes
tournées vers l’intériorité
le dedans
la grotte
 la caverne
C’est là
dans ces enveloppes à demi-fermées à la lumière du dehors
que les femmes puisent leurs sensibilités
et l’intuition des choses
et l’amour

jeudi 13 octobre 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Des Hommes" de Laurent Mauvignier

C'est un livre magnifique! Le récit d'une histoire au présent portée par le passé, incrustée de souvenirs indélébiles. Ceux que des hommes de vingt ans- otages plus que soldats d'une guerre où la barbarie et l'absurdité se confondent avec les combats- ont ramenés de l'autre rive de la Méditerranée.
J'aime que Laurent Mauvignier nous rappelle tout au long de ces 280 pages qu'on ne comprend rien aux situations du temps présent si on ne soulève pas le voile des événements du passé.
J'aime que chaque évocation d'aujourd'hui puise ses fondements dans des scènes plus anciennes, souvent plus douloureuses, innommables, indépassables.
L'écriture de Mauvignier nous troue la peau, à chaque mot, au détour de chaque phrase heurtée, dépourvue de la moindre complaisance. Elle bouscule nos sens, combat la quiétude. En refermant le livre, on se dit qu'il sera difficile ce soir de trouver le sommeil en repensant à la guerre d'Algérie.

mardi 27 septembre 2011

Grève des enseignants

Personnellement, je me pencherai avec intérêt sur les revendications des enseignants quand ces derniers descendront dans la rue le samedi après-midi ou la première semaine de juillet.

lundi 19 septembre 2011

Le pardon

Le pardon est une démarche personnelle très délicate et constitue un sujet à propos duquel les réactions contrastées sont toujours vives. Personnellement, je n'ai pas beaucoup changé de point de vue depuis ces années,où confrontée en tant que thérapeute à des familles incestueuses, j'ai affirmé ceci :
 - le pardon n'est pas, n'est jamais une obligation pour une victime. C'est un choix personnel. Faire pression sur une victime pour qu'elle pardonne à tout prix, c'est à coup sûr rajouter de la culpabilité si elle refuse de le faire.
- Pour pardonner, un préalable : il faut que l'agresseur se repente, considère son acte comme une faute, un très grave préjudice moral, psychique, physique. Qu'il demande pardon à sa victime de manière directe, avec des mots qu'il ressent, et pas ceux qui lui auront été dictés par un tiers. Qu'il prenne l'engagement solennel de ne pas recommencer, de préciser les dispositions qu'il va prendre pour éviter la récidive. 
- Ensuite de quoi, une victime peut peut-être pardonner, loin des exhortations de ceux qui soulagent leur conscience en jouant les magnanimes.
-

dimanche 18 septembre 2011

Problème de santé intime... et publique

Quand le corps souffre (passagèrement s'entend!), ne dites pas "je suis malade", mais " j'ai un pépin de santé". Si  vous utilisez un langage dédramatisé pour une affection temporaire, si vous convenez que c'est momentané, que c'est guérissable, vous irez moins chez le médecin et chez les spécialistes, vous ferez moins d'examens, vous prendrez moins de médicaments, vous réduirez votre angoisse existentielle... et la Sécurité Sociale se portera mieux.
Vous me rétorquerez peut-être que c'est absurde, que les mots n'ont pas d'importance, qu'ils sont interchangeables. Détrompez-vous. Je crois que le langage qu'on se tient à soi-même sur soi agit beaucoup, sur notre psychisme bien sûr, mais aussi sur notre corps. Ne l'oubliez jamais : notre corps est un ami précieux, un vrai, peut-être le meilleur. 

jeudi 15 septembre 2011

"Habemus papam", un pape de papier chiffonné

Ce que j'aime par dessus tout dans le cinéma italien, c'est son incroyable invention de satires sur les sujets les plus délicats. Depuis longtemps, on le sait, les cinéastes italiens ont choisi de nous faire rire là où il y aurait lieu de pleurer (pour mémoire deux films cultes pour moi : Pain et chocolat et Affreux, sales et méchants).  
Or donc, dans le film Habemus papam, nous assistons à l'élection d'un pape, un cardinal français du nom de Melville ( joué par un extraordinaire Michel Piccoli) et aux rebondissements que suscite la désignation inattendue d'un homme qui se vit comme totalement incompétent.
 Je ne raconterai pas ici le scénario, original, désopilant dans certaines scènes, de notre cher Nanni Moretti qui a su prendre la relève des grands réalisateurs italiens des soixante dernières années. 
Ce qui m'intéresse dans ce film c'est le déploiement de la fragilité humaine. Sous leurs chasubles rouge sang bordées d'or et de dentelles à festons, leurs calottes ajustées, leurs barrettes à cornes géométriques, des hommes ordinaires se battent en catimini avec leurs grandes angoisses de petites personnes. Accrocs aux réussites hasardeuses des cartes, aux puzzles, aux somnifères et aux anxiolytiques censés soigner leurs déprimes, ils tentent de parcourir la vie. Ils y tiennent un rôle, celui du pouvoir exorbitant des porte-parole de Dieu. 
Melville, le pape élu, a vécu son existence en soliloquant sous le regard de Dieu, mais il est passé à côté de sa vraie vie, de sa passion pour le théâtre et Tchekhov. Cet homme ne s'est jamais remis d'avoir échoué à l'entrée au Conservatoire. Certes, au fil des années, la blessure s'est enfouie, refoulée dans les profondeurs de l'inconscient. Les apparats du cardinalat ont opéré le deuil. En apparence seulement. Mais, c'est sans compter sur ce que la psychanalyse nomme le retour du refoulé. L'élection au pouvoir ecclésiastique suprême est l'occasion d'un surgissement inopiné de la blessure non refermée. Chacun de nous est à même de trouver dans sa vie un événement particulier à la faveur duquel un traumatisme ancien ressurgit, inattendu, implacablement douloureux (voir ce qu'écrit très bien à ce sujet Lionel Duroy dans son roman Le chagrin). Melville voulait être comédien. C'est sa sœur qui est entrée au Conservatoire. Il y aurait là, rien que là, matière à disserter sur l'adversité fraternelle, sur son enfouissement sous le boisseau de la banalisation des rapports familiaux... Mais j'aurai sans doute l'opportunité de l'évoquer un jour. Revenons donc à notre pape, qui en échappant à la vigilance de ses gardes du corps, s'enfuit, bat le pavé romain et s'enivre des moindres spectacles que lui offre cette escapade.  J'aime ce parcours symbolique, initiatique, d'un vieil homme qui recontacte son Soi originel, ses besoins, ses désirs, qui apprend à dire non (peut-être pour la première fois de sa vie), à repousser le pouvoir religieux. Mélancolique, névrosé dépressif jusqu'au jour de son élection, Melville dans son errance découvre l'homme qu'il aurait voulu être et l'assume. Il n'est jamais trop tard pour être soi !       
 

Tout se paye !

Depuis trente ans maintenant, on assiste à un phénomène qui ne se dément pas : une véritable désaffection pour la psychanalyse, supplantée dans le coeur des patients par les thérapies comportementales et cognitives.
A qui la faute sinon aux psychanalystes eux-mêmes ? La psychanalyse est tombée de son piédestal et ce sont uniquement ses ardents défenseurs qui l'ont déboulonnée à coups d'abyssal mépris pour toute autre approche de la thérapie. 
Ce n'est pas la psychanalyse que je remets en cause : je serai encore longtemps convaincue par les immenses apports de Freud : l'exploration de l'inconscient, la libre association qui permet d'accéder aux profondeurs de l'âme et aide à la levée du refoulement, les pulsions de vie et de mort, l'interprétation des rêves, la forclusion du père, le complexe d’œdipe...
Même si comme Michel Onfray l'a rappelé récemment, à juste titre, Sigmund Freud n'a pas été dans sa vie d'homme à la hauteur de sa pensée, loin s'en faut ! Mais ceci n'est pas mon propos aujourd'hui. J'ai déjà dans les années 1990, exposé longuement dans des conférences sur la théorie de la séduction, tout le mal qu'il convenait de penser des revirements freudiens et des ravages qu'ils ont provoqués chez les victimes d'abus sexuels.
Je reviens donc aux psychanalystes pour leur répéter une fois encore qu'ils ont endommagé leur prestigieuse théorie (pour ne pas dire massacré), par leurs attitudes dogmatiques intransigeantes, leurs rituels sectaires, leurs excès. Des exemples puisés dans la pratique de bon nombre d'entre eux? : la cure psychanalytique est un parcours interminable qui nécessite deux à trois séances par semaine, les séances se payent en espèces, l'argent se met dans une boîte ( car le psy n'y touche pas), le contact physique est exclu :  pas question de se serrer la main. Quant aux autres théories psychologiques, elles sont pour les psychanalystes des errements de la pensée qui n'ont qu'un objectif : l'obsession de la performance c'est à dire les soulagement de la souffrance des patients par un effacement superficiel des symptômes.
Depuis la parution du livre de Michel Onfray "Le crépuscule d'une idole", je me suis livrée à une petite expérience en interrogeant quelques psychanalystes sur ce qu'ils pensaient de l'ouvrage. Aucun ne l'avait lu, mais tous le condamnaient comme l’œuvre d'un Satan ! Et voilà comment la pensée, la réflexion, la dialectique régressent et meurent autour de nous. La psychanalyse se meurt ? Tout se paye.

mardi 6 septembre 2011

C'est la rentrée!

Oui, voici venu le temps de la rentrée et pour vous, ce petit cadeau: un extrait de mon récit "La jeunesse d'une fille d'immigrés siciliens" paru en 2008. C'était toute une époque, me direz-vous! Je le souhaite.

« Mesdemoiselles, vous sentez mauvais ! »
Madame Trabert, narines écartées et grimace à l’appui, avance lentement dans les rangées. Penchée au-dessus de ses élèves, elle fait mine d’ausculter le contenu des pupitres. A chaque pas, le parquet de la classe craque, mais malheureusement ne s’ouvre pas pour l’engloutir.
Elle s’arrête quelquefois, toise une à une les adolescentes. Sa voix les transperce jusqu’aux os. Les syllabes s’égrènent distinctement :
« Mes-de-moi-selles-, vous- sen-tez- mau-vais ! »
Elle sort son fin mouchoir bordé de dentelle et s’en couvre le bas du visage.
Quand Madame Trabert ne pratique pas l’inspection des pupitres, il lui arrive de s’intéresser aux têtes enfantines. Armée de sa règle, les lunettes sur le nez, elle soulève lentement les mèches de cheveux, avec un certain dégoût, à la recherche des lentes et des poux. Examiner la propreté des têtes, des mains et des ongles est monnaie courante, mais elle peut pousser le raffinement jusqu’à faire déchausser ses élèves.
Depuis bientôt vingt ans, Madame Trabert est chargée de l’avant-dernière année de primaire, juste après la classe de Mademoiselle Faure. Dès cette classe, les adolescentes peuvent être présentées au Certificat d’Etudes.
A la regarder évoluer dans sa classe, dans les couloirs et aussi dans la cour quand elle surveille la récréation, on pourrait confondre Madame Trabert très raide avec un coq victorieux au panache irréprochable. C’est un général d’infanterie qui aurait gagné des galons à la guerre et atteignant le plus haut grade, attendrait avec fierté les décorations méritées. Elle s’époumone de toutes ses forces dans son sifflet et s’efforce de gonfler d’autorité sa pauvre poitrine plate vers les élèves chahuteuses.
C’est avec appréhension qu’en octobre, Angelina entre dans la classe de Madame Trabert. Elle connaît la maîtresse de réputation, mais ne soupçonne pas ce qu’elle va vivre jusqu’aux vacances d’été.
Le : « Mesdemoiselles, vous sentez mauvais ! » est une des toutes premières réflexions amicales de la maîtresse, qui sans doute utilise ici un moyen très personnel d'éduquer les enfants à l’hygiène corporelle.
La présence de lentes et de poux est un vrai cauchemar pour Angelina. A treize ans, elle possède à présent une abondante chevelure ondulée, une sorte de casque brun épais que les autres camarades appellent la tignasse et dans laquelle les parasites ne sont pas rares. Madame Trabert ne se prive pas de donner des instructions pour éliminer les indésirables. Angelina ne raconte pas à sa mère comment la maîtresse s’adresse aux élèves, en classe. Mais chaque samedi soir, elle et sa sœur Santa, baissent la tête sous la lampe, attendent patiemment de leur mère l’épouillage douloureux et le rinçage des cheveux au vinaigre.
Durant toute une année, Madame Trabert maltraite, terrorise, humilie les élèves en général, avec un supplément de cruauté envers celles qu’elle n’aime pas. Angelina va devenir une de ses souffre-douleur.
Personne n’élucidera jamais pourquoi cette femme habillée de manière très chic, comme seules peuvent l’être les bourgeoises, se vantant d’être mariée à un directeur de banque, d’habiter du côté des Invalides, parlant à tout bout de champ en classe de sa domesticité, travaille dans cette école de la butte Montmartre fréquentée par des élèves de milieux plutôt modestes. Crainte de s’ennuyer dans l’oisiveté ? Occasions inespérées et journalières d’assouvir son sadisme et sa sourde haine des étrangers ?
Au cours de l’année précédente, passée auprès de Mademoiselle Faure, les adolescentes avaient adopté des habitudes de liberté et d’assurance, qu’elles vont s’empresser de réfréner bien vite chez Madame Trabert. La maîtresse de cette année a opté pour une autre conception de la discipline. Elle ne complimente pas, distribue généreusement des punitions et des lignes. Très rapidement, par exemple, les élèves comprennent qu’il n’est pas question de se lever spontanément dans le local, de communiquer avec les autres, de chercher de l’entraide, de lever le doigt pour obtenir une explication supplémentaire quand la maîtresse a terminé un énoncé. Il n’est pas question non plus de fixer la maîtresse rébarbative, de soutenir son regard dur ni de s’attarder sur les lèvres rouges qui laissent échapper des paroles aussi tranchantes que des lames de rasoir.
Et pourtant la bouche de Madame Trabert est hypnotique. Angelina, en l’écoutant, pense à la légende des deux sœurs. L’une était douce et aimante : de sa bouche s’écoulaient du miel, des roses, des pierres précieuses ; l’autre avec agressivité, n’exprimait que des méchancetés, qui prenaient la forme de bêtes repoussantes, de serpents, de crapauds et d’araignées.
Madame Trabert ressemble beaucoup à la seconde sœur de l’histoire, telle que l’imagine Angelina. Elle a les pommettes saillantes, les joues creuses, le profil escarpé avec un nez aussi long qu’un triangle isocèle :
« Insolente, baissez les yeux, Mademoiselle, mais que vous apprend-on chez vous ? Rien, je suppose… bien sûr ! »
La voix est aiguë, stridente : une vraie voix de fausset. Angelina sait à quoi Madame Trabert fait allusion : juste avant les vacances de Noël, la plupart des élèves françaises avaient apporté des boîtes de crottes en chocolat à l’institutrice. Tradition oblige ! Les boîtes enrubannées étaient parfois si larges qu’elles tenaient difficilement sous les bras des adolescentes.
A l’époque, ce cadeau de fin d’année civile aux enseignantes était quasiment inévitable. Mes grands-parents ne connaissaient pas certains usages de l’école et n’avaient pas participé aux présents.
Le soir des vacances, la maîtresse, prévoyante, était venue en classe avec un large cabas à provisions. En fin d’après-midi, Angelina la regarda empiler les boîtes de chocolat dans le sac. Aucune ne fut ouverte à l’intention des élèves pour fêter les vacances et les fêtes de fin d’année !

vendredi 26 août 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Le chagrin" de Lionel Duroy

Le narrateur, William, est né dans une fratrie de 11 enfants (10 vivants). Sa famille s'est sédimentée autour de la folie maternelle. Folie douce? Non: Folie, tout court, vraie maladie mentale, infiltrée par une folie des grandeurs indestructible. C'est elle qui va entraîner le désastre et le malheur des protagonistes.
Au départ, un homme et une femme sont irrésistiblement attirés l'un vers l'autre par une attraction charnelle que le temps et les épreuves altèreront peu.
Le père possède un nom à particule, un titre, et au-delà de ces données clinquantes (et vides), pas grand-chose d'autre à offrir à sa femme et à sa famille.
La mère ne rêve que d'éclats sociaux : habiter Neuilly, tenir un rang, recevoir telle une bourgeoise, ne pas se commettre avec les bicots et les boniches, ni même avec des gens d'extraction sociale plus modeste, inscrire les enfants dans les institutions religieuses privées de Neuilly, ce qui va de soi, vous l'aurez compris!
Le père n'assume pas, ne rassure pas, sauf sa femme, à coup de mensonges miteux à répétition, de petites combines frauduleuses, d'endettements camouflés, d'expédients en tous genres...
La mère, psychopathe, dans l'exigence permanente d'un statut social de riches, ignore tout, ne veut rien savoir, se voile la face, totalement inconséquente et inconsciente de la ruine qui gangrène la vie familiale. Ce que vivent amèrement les enfants, les vexations, humiliations, hontes, colères, chagrins, lui est inaccessible tant son ego est l'unique centre de son monde.
Le père, faible, bonimenteur par nécessité pécuniaire, dissimulateur par amour pour sa femme (dont par ailleurs il redoute les accès démentiels) ne se donne pas d'autre choix que de poursuivre cette lente et inexorable descente aux enfers.
Et les enfants, dans ce tableau, que deviennent-ils, me demanderez-vous? Et bien, ils s'élèvent comme ils peuvent, les grands s'occupent des petits, certains se structurent chez les Louveteaux ou les Scouts, Nicolas trouve son salut dans la photographie. William, lui, passe alternativement par des états de noyade psychologique à ceux de la survie où la tête se maintient juste au-dessus de la ligne de flottaison de la vie.
L'écriture cathartique, l'écriture salvatrice, donnera enfin du sens à son existence et l'éloignera du chaos familial. La résilience, pour lui, ce sera aussi la rencontre avec les femmes de sa vie et une triple paternité.

J'aime dans ce roman la lucidité de William, qui malgré ses souffrances observe et se donne les moyens de juger cette famille toxique sans l'accabler outre mesure. Juste ce qu'il faut pour que le lecteur s'interroge: Peut-il y avoir, sur terre, en France, dans cette seconde partie du XXe siècle, des parents aussi infantiles, des criminels involontaires, ayant saccagé la vie de leurs enfants au point de leur ôter leur libre arbitre? Je m'explique sur ce point : quand William décidera de publier le témoignage de la vie familiale qu'il a connue dans son enfance, les protagonistes "en cause"feront front uni contre lui, l'accableront de reproches et d'injures, le renieront, et tenteront de lui nuire en cherchant à empêcher la sortie du livre.
Ce qui révèle, une fois de plus, la farouche et haineuse volonté des familles à poison, de rester dans le secret, la dissimulation, le déni. L'enfermement est à vie, nul ne doit s'en échapper.
William l'a fait, envers et contre tous les siens. Merci Lionel Duroy!


dimanche 7 août 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Où j'ai laissé mon âme" de Jérôme Ferrari

Au delà de l'Apocalypse : la guerre. Fin de la seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, guerre d'Algérie.
De la Résistance à Dien-Bien- Phu puis à la Casbah d'Alger, des militaires qui ont été autrefois des hommes révèlent à eux-mêmes la douloureuse présence de la nausée et de la détestation. Celles des autres, celles de soi, celles qui anéantissent la valeur de l'âme irrémédiablement.
Ces soldats ont été de jeunes hommes et ne sont plus que des monstres ordinaires capables des crimes inexpiables de la guerre. Viet-Minh, militaires français de carrière ou appelés du contingent, combattants de l'ALN ou harkis, les mains tachés du sang de leurs ennemis, ils vivent aux confins de l'horreur des combats, du terrorisme et de la torture.
Les guerres auxquelles ils participent ne sont pas seulement déshonorantes au cœur des hommes, elles les éloignent d'eux-mêmes, de "l'âme qui rend la parole vivante", de leurs familles, de leurs proches, de ceux qui continuent de les attendre et de les aimer tendrement. Tout ce qui pourrait encore relier ces ombres en uniformes galonnés à une humanité ordinaire se dissout dans un passé décoloré.
Jérôme Ferrari ne nous épargne rien, nous entraîne dans un abîme où le lecteur abasourdi croise ses propres limites du Mal et du Bien et l'absurdité d'un Ciel qui n'existe pas. Son récit n'est pas seulement un récit dérangeant, un réquisitoire contre la guerre, c'est aussi une exploration impitoyable des sentiments et des émotions inavouables de fantômes qui ne trouveront jamais plus la paix.

jeudi 21 juillet 2011

L'opéra La Traviata à Aix en Provence

Vu à la télévision : le magnifique opéra de Verdi, dont il est impossible de se lasser, tant la musique colle aux sentiments humains les plus répandus: l'amour qui vous transporte et vous transforme, la culpabilité, la peur de l'abandon, le renoncement et la générosité, le sacrifice, le remords...
Une belle et performante Nathalie Desay (un peu trop âgée pour le rôle, un tantinet trop sautillante), entourée de voix masculines d'une qualité indiscutable, nous a beaucoup émue. Chaque geste des chanteurs était en accord parfait avec les émotions véhiculées par les mots et la mélodie.
Mais pourquoi diantre, faut-il que les metteurs en scène se croient inventifs à tout crin, en enrobant la trame narrative d'un décor et d'une période parfaitement inédits? Cette Traviata, déconnectée de son contexte et de son Temps, ne se laissait regarder et goûter l'autre soir qu'en ignorant le cadre insipide voulu pour faire jeune et novateur.
La Traviata est une histoire d'époque : la fin du XIXème siècle, une histoire de mœurs où la place de la femme est encore celle que définit exclusivement le pouvoir des hommes, une histoire de la maladie, de l'argent et des rôles sociaux codifiés.
De grâce, rendez-nous l'approche sensible du très beau film de Zeffirelli qui seul a su nous émouvoir jusqu'aux larmes.     
 

vendredi 15 juillet 2011

Sur le trottoir de l'actualité

RENCONTRE FORTUITE ENTRE  AUTOREFERENCE  ET  BONSENS
- Salut, Bonsens, tu vas bien?
- Pas du tout! je suis très en colère! Ça se voit, non?
- Pas qu'un peu! Et surtout, ça s'entend à ta voix. Qu'est-ce qui te contrarie à ce point?
- Attends, Autoréférence, t'as pas vu aux infos, la femme qui porte plainte au bout de 8 ans, pour une tentative de viol commise par l'homme dont tout le monde parle depuis deux mois (tiens! aujourd'hui, jour pour jour)?
- Si, Bonsens, je suis au courant. Je me suis même dit que dans un pareil cas, je n'aurais sûrement pas réagi de cette façon.
- Non seulement ça! Mais, moi, je te le dis sans détour, Autoréférence, ce procédé me scandalise: 8 ans après, tu imagines? Tu trouves tout ce tapage vraisemblable?
- Non, non, Bonsens! Moi, si un homme avait tenté de m'imposer par la force un acte violent, sexuel ou pas, aussitôt après m'être dégagée, je serais allée directement au commissariat... Et même, tu vois,  si je m'étais confiée à ma mère préalablement, elle n'aurait pas réussi à me dissuader de porter plainte. Même avec l'argument d'un possible préjudice sur ma toute jeune carrière.
-Moi, c'est pareil, Autoréférence, je ne vois pas ma mère m'asséner ce genre d'injonction suspecte. Et moi, de l'écouter! Pire, je me serais inquiétée d'entendre ma mère, la personne au monde la mieux placée pour me protéger depuis ma naissance, s'opposer à cet acte majeur de réparation.
- Sûr! Bonsens. Poser un acte contre celui qui a, impunément,  franchi les lignes de la dignité d'autrui, c'est important. Capital! Une mère qui ne t'encourage pas sur le champ, qui ne t'accompagne pas dans ta démarche, moi, je me pose une question : depuis ma tendre enfance, m'a-t-elle suffisamment armée psychologiquement pour me méfier des séducteurs et repousser leurs avances indésirables? c'est le rôle des parents, non?
- Et pas qu'un peu! Et, tu veux que je te dise, Autoréférence ? Cette plainte tardive porte atteinte à toute la communauté des femmes, elle décrédibilise toutes celles qui ont été victimes de viols, de tentatives appuyées, de violences, d'approches sexuelles douteuses.
- En plus, tu sais Bonsens, elle permettra à tous les détracteurs, à ceux qui prétendent que les femmes mentent quand elles évoquent leurs traumatismes, de ricaner. Ils pointeront du doigt les femmes comme des affabulatrices, ils se tiendront les côtes. Et, nous les femmes, nous n'aurons qu'à baisser la tête. Pas vrai?
- Pas sûr, Autoréférence, tenons-nous debout, vigilantes face aux dérives d'où qu'elles viennent, même du camp des femmes. Pas forcément unitaires avec celles-là. On n'est pas un troupeau, tout de même!
- Allez, salut ma copine, à bientôt.

jeudi 7 juillet 2011

mercredi 6 juillet 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Purge" de Sofi Oksanen

C'est un récit inquiétant et étrange. Personnages étranges. Situations étranges. Époques étranges.
Les pages suintent de peur. Les mots dégoulinent de lâcheté et d'abjection.
Là où on pourrait s'attendre à un peu de courage ordinaire, ne cogne que le sauve-qui-peut de ceux qui n'ont plus que leur peau à défendre.
Construit en abyme, déconstruit de paragraphes en chapitres, ce récit se lit la respiration coupée. Quand l'apnée cesse, on revient sur terre avec effroi, certain(e) d'avoir assisté à un cauchemar peuplé de monstres malheureusement humains.

dimanche 3 juillet 2011

Ce pays dont le peuple est un enfant

   Le dimanche 15 mai 2011, les petits de France se réveillent sous le choc.
   Le père, le très prochain sauveur de la nation-famille, celui grâce à qui le rêve de tous les possibles va enfin devenir réalité, est dévoilé à propos de ce qu’il y a de plus traumatique pour les enfants : la scène primitive !
   La scène primitive : un concept freudien qui fait référence à l’acte sexuel des parents, inventé et mis en lumière par Sigmund, au cours d’une analyse, celle de L’homme aux loups. Cet acte, nécessairement caché par les grands, secret, dissimulé (afin de permettre l’élaboration de bons fantasmes) s’étale tout à coup aux yeux des enfants.
   Sa révélation est un choc perturbant, voire dévastateur.
   Le père, cet être sacré, admiré, redouté, copule avec « la mère » (la femme)dans un rapport violent dont il est l’acteur coupable. C’est une agression physique, pire un viol !
   Notre père à tous, viole notre mère (la femme), a, dit-on, exposé sa nudité, porte encore sur le corps des traces de sa propre sauvagerie.
   À partir de ces révélations, les informations galopantes gonflent et, dans une infernale escalade, bombardent les unes après les autres les images de la punition du père. Tout concourt dorénavant à l’inflation et l’exacerbation des fantasmes enfantins.
   Les visions répétées de l’arrestation de l’homme menotté déboulonne le père du piédestal où l’avaient hissé nos rêves d’enfants. Sa chute nous dégrise.

   Dans la fratrie, maintenant, les enfants se sentent orphelins, trahis, abandonnés, livrés à eux-mêmes ou, qui sait, à des prédateurs qui n’attendaient que cela.
   Les quatre sentiments de la nature humaine vont dorénavant animer le cœur et l’esprit des enfants : la peur, la tristesse, la colère, la joie.
   Ceux qui ont peur se lamenteront : Qu’allons-nous devenir sans lui ? Qui pourra nous venir en aide à sa place ? Il était le seul à pouvoir nous sortir du marasme, tourner le dos à cet environnement qui ne profite qu’aux autres, aux riches. En tout cas pas à nous ! Personne n’est et ne sera en mesure de le remplacer. Nous irons droit dans le mur !
   Les coléreux vitupèreront : un homme de sa classe, de sa trempe, de son envergure, se conduire comme un gamin, un garnement, comme un des nôtres, se faire piéger tel un rat affamé !? C’est salement un scandale ! Il nous a trahis. Nous lui en voudrons toujours. Et même si un jour, il s’amende et demande pardon, ce sera trop tard !
   Les déprimés, les attristés perpétuels se déprimeront davantage. De tristesse profonde en mélancolie (concept freudien de l’humeur noire pouvant déboucher sur le désespoir et le suicide Front National pourquoi pas ?), ils n’auront pas assez de larmes pour étancher leur chagrin. Il n’aurait jamais dû en arriver là. Il aurait dû penser à nous qui comptions tellement sur lui. Son attitude et ses conséquences nous accablent d’un deuil dont nous ne pourrons pas nous rétablir.
   Les joyeux, optimistes par naissance ou par essence, jugeront l’acte paternel à l’aune de ses répercussions. Enfin il va pouvoir souffler, penser à lui 24 heures sur 24, donner du temps à ses proches, rédiger des traités d’éducation du monde qui aideront à grandir. Un père est un père, son image ne se ternit pas d’un coup !

   Le père vient d’être blanchi. Pas tout à fait ? C’est tout comme ! Juste une question de jours… Et les enfants de se demander si tout cela n’était pas après tout qu’un mauvais, très mauvais cauchemar, ourdi par un diable méchant, comme il en traîne partout. Ils hésitent, s’interrogent sur leur imaginaire. Ce père, après tout, n’était pas si défaillant que cela. Papa ! Papa ! Viens vite !

vendredi 17 juin 2011

Mon dernier ouvrage: "Leur guerre préférée"

Ceux d'entre vous qui sont disponibles, peuvent nous rejoindre
mercredi 22 juin, de 19 à 21 heures, 22bis rue des Ecoles, Paris 5ème, à la librairie L'Harmattan.
Je présenterai le livre dans ses grandes lignes et le dédicacerai. La soirée se terminera par un petit cocktail.   

mercredi 8 juin 2011

Hommage à Jorge Semprun

Jorge Semprun vient de mourir. En 1945, libéré du camp de Buchenwald, il rejoint Paris. Dans 'L'écriture ou la vie" il raconte ces premiers jours de liberté. A Paris, le 1er mai 45, il neige. Oui, il neige...
J'avais enfoui ce souvenir d'enfant au fond de ma mémoire oublieuse. En lisant Semprun, tout est revenu : les petits flocons duveteux, le balcon de mes grands-parents maternels où j'ai attendu mes parents toute la journée. Ils étaient partis défiler avec leurs camarades. Le matin, avant de me quitter, ma mère m'avait fait cette recommandation: "Et surtout ne te penche pas. La tête est trois fois plus lourde que le reste du corps!"
J'ai écouté et attendu.
Merci Jorge Semprun. Pour tout ce que vous avez été durant cette longue et belle vie et ce rappel d'un minuscule petit souvenir personnel, je ne vous oublierai pas.

mardi 7 juin 2011

"Shame, shame, shame, shame on you"

En 1983, une chanson passe plusieurs fois par jour à la radio: "Shame, shame, shame, shame on you..."
Ceux de ma génération, et pas uniquement, se ruent alors chez le disquaire du coin pour se procurer le vinyle.
Je suggère qu'aujourd'hui ce ce tube soit reprogrammé sur les ondes.

Hommage à Pierre Desproges

Retrouvez le lien sur Youtube http://www.youtube.com/watch?v=hy03pGpye1s

jeudi 2 juin 2011

Cancer de communication

Le concombre tue, le cornichon est cancérigène, le portable massacre mes neurones... Au secours, Père Ubu, au secours!

mardi 31 mai 2011

Outreau

Dans l'affaire d'Outreau, on a négligé la parole des enfants. Ils n'étaient que des affabulateurs, disait-on.
La pédophilie, l'invraisemblable perversion des adultes ont brisé leur vie. L'incrédulité des 'grands' a fracassé leur existence.
Aujourd'hui, que cette nauséabonde histoire ressurgit à l'occasion d'inculpations nouvelles, demandera-t-on pardon aux enfants pour tout le mal qui leur a été fait?

La Mort

J'entends souvent autour de moi cette 'sage' parole:"La mort fait partie de la vie"
Mon esprit reste réfractaire à cet aphorisme. Je le considère comme un cliché destiné à couper court à une discussion sérieuse. Cache-t-il tout simplement la peur de celui qui l'énonce de l'angoissante perspective de sa propre finitude?

Bref, le seul fait d'entendre "La mort fait partie de la vie" ou encore "La mort est dans la vie" me navre et m'exaspère.

Il se peut que je bute sur un angle mort de ma pensée, une résistance de la réflexion métaphysique.

Mais le fait est bien là: il n'en faut pas plus pour m'irriter.

La mort n'est pas la vie. Mais bien plutôt un ailleurs de non-vie, de vide, de néant. Un ailleurs de non-existence comme ce qui précède la conception de l'être humain. La mort ouvre sur la béance du RIEN.

Invalidation et sabotage

Penchons-nous sur le cas d'un sujet confronté à une situation devant laquelle il a à se déterminer, soit par une prise de position soit par une action directe. Exemples: Prendre la parole dans une réunion... Pourvoir un poste important...
Le sujet est devant trois possibilités: "Je dois"_ "Je peux"_ "Je veux". Ce sont les voix intérieures de la réflexion. Trois axes: l'obligation morale ( le Surmoi), l'expertise ( le Moi adulte) , le désir ( le Ça).
Si les trois axes sont d'accord, le sujet est en mesure de faire face.
Si l'un de ces trois axes renâcle ( ou deux), le sujet est pris dans une impasse. L'inconscient vient à son secours et lui dicte une conduite corporelle invalidante qui fera obstacle à sa prise de décision. On assiste alors à un empêchement majeur, comme tomber gravement malade... être victime d'un accident de la route...
C'est ce qu'on appelle un sabotage de soi qui vient à point nommé pour invalider le sujet... Souvent durablement. Certains l'appelleront l'acte manqué. Pour ma part, ce que je viens de présenter est plus grave que l'acte manqué, car il conduit le sujet à s'exclure de lui-même et à s'exposer à des retentissements sociaux incalculables.

dimanche 29 mai 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Le jour d'avant le bonheur" d'Erri De Lucca

Ce n'est pas le premier roman de cet auteur napolitain qui me réchauffe le cœur. Je pense bien sûr à d'autres livres de lui que j'ai lus : Tu, Mio; Montedidio; et surtout Trois Chevaux.
Dans "Le jour avant le bonheur", l'écrivain revient sur cette Naples de l'immédiate après-guerre, en 1945, cette ville déchirée, anéantie par la faim et l'extrême misère, broyée par l'étau des occupants allemands et des libérateurs américains, dont on ne sait si on a plus à craindre des premiers que des seconds. Le jeune héros, orphelin abandonné, construit son enfance et sa jeunesse auprès d'un père de substitution, le concierge de l'immeuble, un mélange humain initiatique de savoir instinctif et de sagesse populaire, un vrai philosophe de la vie.
Le bonheur est là, tout près de nous et pourtant reste hors de notre portée...
Le récit nostalgique ressemble à l'âme napolitaine, à ce que j'en sais, à ce que j'en ai compris en fréquentant des Napolitains : rions, chantons, jouons (à la Scopa), faisons la nique au malheur et surtout à la Mort qui nous guette et voudrait bien s'emparer de nous.

J'aime... J'aime... J'aime : " Les déferlantes" de Claudie Gallay

Il paraît que Flaubert rêvait d'écrire un roman sans histoire, sans trame narrative, dans lequel seul compterait le style. En quelque sorte, une Madame Bovary, sans Emma, un récit dépouillé à l'extrême.
Ce n'est pas le cas du roman de Claudie Gallay, Les déferlantes. Et parce que j'aime beaucoup ce livre, je veux vous en parler. Dans ce roman que j'ai dévoré, il n'y a rien à jeter. Ou pour dire la même chose en des termes plus choisis, je n'ai pas de bémol, pas de réserve à émettre. Tout me plaît!
Les déferlantes, c'est d'abord une histoire forte, à laquelle on croit d'un bout à l'autre, un monde d'hommes et de femmes qui vivent entre le ciel gris et bas, la pluie qui s'invite à tous moments, le vent violent, la mer hostile et dévorante, des bouts de soleil rares qui réchauffent le cœur et les os.
C'est un style personnel, des phrases courtes, un enchaînement de mots simples qui se moquent du beau langage, des dialogues serrés d'une épaisseur sidérante.
Tous les petits gestes de la vie quotidienne et de l'insignifiance sont travaillés et ciselés par des mots, des images, avec l'observation aiguë et la précision du regard fiévreux de l'écrivain. 
Sous nos yeux, quelques humains, des taiseux pour la plupart, se sont construits dans la souffrance, le manque, le silence, comme d'autres ont appris à s'esclaffer et à se répandre. Ici, les personnages sont vibrants de désirs inassouvis, impatients de vivre ailleurs et autrement, haineux jusqu'à ce que mort s'en suive, ou résignés à mourir à petit feu d'un deuil indépassable, s'il en est...
Claudie Gallay nous régale d'espoir, de celui qui touche au deuil vécu comme impossible et qui pourtant grâce à l’œuvre du Temps, cicatrise et adoucit la souffrance. Celle de la perte des êtres aimés. La renaissance est un chemin...