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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

vendredi 26 août 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Le chagrin" de Lionel Duroy

Le narrateur, William, est né dans une fratrie de 11 enfants (10 vivants). Sa famille s'est sédimentée autour de la folie maternelle. Folie douce? Non: Folie, tout court, vraie maladie mentale, infiltrée par une folie des grandeurs indestructible. C'est elle qui va entraîner le désastre et le malheur des protagonistes.
Au départ, un homme et une femme sont irrésistiblement attirés l'un vers l'autre par une attraction charnelle que le temps et les épreuves altèreront peu.
Le père possède un nom à particule, un titre, et au-delà de ces données clinquantes (et vides), pas grand-chose d'autre à offrir à sa femme et à sa famille.
La mère ne rêve que d'éclats sociaux : habiter Neuilly, tenir un rang, recevoir telle une bourgeoise, ne pas se commettre avec les bicots et les boniches, ni même avec des gens d'extraction sociale plus modeste, inscrire les enfants dans les institutions religieuses privées de Neuilly, ce qui va de soi, vous l'aurez compris!
Le père n'assume pas, ne rassure pas, sauf sa femme, à coup de mensonges miteux à répétition, de petites combines frauduleuses, d'endettements camouflés, d'expédients en tous genres...
La mère, psychopathe, dans l'exigence permanente d'un statut social de riches, ignore tout, ne veut rien savoir, se voile la face, totalement inconséquente et inconsciente de la ruine qui gangrène la vie familiale. Ce que vivent amèrement les enfants, les vexations, humiliations, hontes, colères, chagrins, lui est inaccessible tant son ego est l'unique centre de son monde.
Le père, faible, bonimenteur par nécessité pécuniaire, dissimulateur par amour pour sa femme (dont par ailleurs il redoute les accès démentiels) ne se donne pas d'autre choix que de poursuivre cette lente et inexorable descente aux enfers.
Et les enfants, dans ce tableau, que deviennent-ils, me demanderez-vous? Et bien, ils s'élèvent comme ils peuvent, les grands s'occupent des petits, certains se structurent chez les Louveteaux ou les Scouts, Nicolas trouve son salut dans la photographie. William, lui, passe alternativement par des états de noyade psychologique à ceux de la survie où la tête se maintient juste au-dessus de la ligne de flottaison de la vie.
L'écriture cathartique, l'écriture salvatrice, donnera enfin du sens à son existence et l'éloignera du chaos familial. La résilience, pour lui, ce sera aussi la rencontre avec les femmes de sa vie et une triple paternité.

J'aime dans ce roman la lucidité de William, qui malgré ses souffrances observe et se donne les moyens de juger cette famille toxique sans l'accabler outre mesure. Juste ce qu'il faut pour que le lecteur s'interroge: Peut-il y avoir, sur terre, en France, dans cette seconde partie du XXe siècle, des parents aussi infantiles, des criminels involontaires, ayant saccagé la vie de leurs enfants au point de leur ôter leur libre arbitre? Je m'explique sur ce point : quand William décidera de publier le témoignage de la vie familiale qu'il a connue dans son enfance, les protagonistes "en cause"feront front uni contre lui, l'accableront de reproches et d'injures, le renieront, et tenteront de lui nuire en cherchant à empêcher la sortie du livre.
Ce qui révèle, une fois de plus, la farouche et haineuse volonté des familles à poison, de rester dans le secret, la dissimulation, le déni. L'enfermement est à vie, nul ne doit s'en échapper.
William l'a fait, envers et contre tous les siens. Merci Lionel Duroy!


dimanche 7 août 2011

J'aime... J'aime... J'aime : " Où j'ai laissé mon âme" de Jérôme Ferrari

Au delà de l'Apocalypse : la guerre. Fin de la seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, guerre d'Algérie.
De la Résistance à Dien-Bien- Phu puis à la Casbah d'Alger, des militaires qui ont été autrefois des hommes révèlent à eux-mêmes la douloureuse présence de la nausée et de la détestation. Celles des autres, celles de soi, celles qui anéantissent la valeur de l'âme irrémédiablement.
Ces soldats ont été de jeunes hommes et ne sont plus que des monstres ordinaires capables des crimes inexpiables de la guerre. Viet-Minh, militaires français de carrière ou appelés du contingent, combattants de l'ALN ou harkis, les mains tachés du sang de leurs ennemis, ils vivent aux confins de l'horreur des combats, du terrorisme et de la torture.
Les guerres auxquelles ils participent ne sont pas seulement déshonorantes au cœur des hommes, elles les éloignent d'eux-mêmes, de "l'âme qui rend la parole vivante", de leurs familles, de leurs proches, de ceux qui continuent de les attendre et de les aimer tendrement. Tout ce qui pourrait encore relier ces ombres en uniformes galonnés à une humanité ordinaire se dissout dans un passé décoloré.
Jérôme Ferrari ne nous épargne rien, nous entraîne dans un abîme où le lecteur abasourdi croise ses propres limites du Mal et du Bien et l'absurdité d'un Ciel qui n'existe pas. Son récit n'est pas seulement un récit dérangeant, un réquisitoire contre la guerre, c'est aussi une exploration impitoyable des sentiments et des émotions inavouables de fantômes qui ne trouveront jamais plus la paix.