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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

mercredi 19 décembre 2012

Exode fiscal

Cyrano s'enfuit. Sans son panache...

vendredi 14 décembre 2012

"Ma vie sans moi". Premier portrait de femme : Solange

Récemment, une amie me posait la question suivante : "Pourquoi Solange (une des héroïnes du roman) se vit-elle dans la déréliction? "
Je considère Solange comme la femme la plus importante de mon roman après Claudia. Au moment de sa rencontre avec Lorenzo, elle a 27 ans. Belle, désirable, spirituelle, maniant avec aisance la répartie, elle est passionnée de livres et de mythologie. On sent chez elle une vie indomptable. Embauchée à la Radiodiffusion Française comme juriste spécialisée dans le droit des entreprises, elle œuvre auprès de la direction en vue de démêler les innombrables affaires délicates de l'après-guerre.
La littérature que Solange affectionne est celle qui se situe dans des contrées où l'élément eau tient une place primordiale. L'élément eau fonctionne dans le roman comme la métaphore maternelle de son histoire de vie.
C'est au fil des confidences qu'elle murmure à Lorenzo, que nous apprenons ce que fut sa jeunesse. Solange est originaire des Pyrénées, plus exactement de Tarbes. Fille unique de l'union désastreuse d'un homme et d'une femme qui se détestent depuis le premier jour. Solange grandit entre un père affectueux et protecteur, mais adultère ( amant de la sœur de sa femme et père d'un enfant naturel) et une mère indifférente, elle-même victime d'une éducation catastrophique sans affection.
L'amour incandescent de Galatée et Acis, les deux amants de la Fontaine Médicis, s'inscrit pour Solange comme modèle de l'amour idéal dont elle rêve et qu'elle veut faire partager à Lorenzo. Un amour placé au-dessus de toute autre considération, indestructible, quelles que soient les violences dramatiques d'un funeste destin.
Le rayonnement solaire que dégage la personnalité de Solange cache sa profonde vulnérabilité. La perte de l'homme aimé, la défaillance de son désir puissant d'être à lui vont révéler une problématique latente : celle de l'abandon maternel.
Laissons-lui le mot de la fin de ce portrait : "Le délire de ma mère avait cherché à broyer ma vie. Ton abandon fera le reste."

mardi 16 octobre 2012

"Four Lane Road" Route à quatre voies (E.Hopper1956)


C’est la voix de Dolly qui le fait sursauter. Ça faisait bien cinq minutes qu’elle le laissait tranquille !
 ─ Bill ! Tu te décides ou quoi ?
─ Hum !
─ C’est quand même la troisième fois que je t’appelle ! Ça va être froid et tu vas encore râler.
─ Je ne râle pas.
Ses lèvres lâchent avec lassitude quatre mots : Je- ne- râle- pas.
─ C’est pareil ! Je te connais par cœur ! Tu vas repousser ton assiette pleine, elle ira cogner le reste sur la table.  Et puis tu vas te lever, prendre une cigarette et ce sera ton repas ! Je te connais, tu sais, depuis le temps !
Ce qu’elle est énervante avec ses « Je te connais, tu sais, » à tout bout de champ. Pas une phrase, sans qu’elle place sa formule qui ne veut rien dire du tout. Est-ce qu’on connaît les autres ? Sûrement pas, et elle le sait Dolly, elle est même bien placée pour le savoir, avec ce que le petit leur a fait !
Dolly  tape à plusieurs reprises avec son torchon sur le rebord de la fenêtre.
─ Alors ?
─ Alors quoi ?... Oh ! Dolly, Fous-moi donc un peu la paix !
Franchement elle l’exaspère. Elle ne va pas le laisser tranquille à la fin ? Sûrement pas, dit en lui la petite voix de l’habitude ! C’est pas facile de la faire taire Dolly. Il sait juste, qu’en l’envoyant promener, il gagne quelques secondes, autant dire un tout petit entracte. Il aurait tant besoin de silence ce soir. Il voudrait être seul, quelques heures, ne pas quitter des yeux cette masse sombre de la forêt de Nilland qui s’enfonce dans la nuit tout là-bas. Mais Dolly va revenir à la charge avec son ragoût, c’est sûr et il le sait. Manger ? Ça ne lui dit franchement plus rien. Le corps, c’est même le cadet de ses soucis. C’est comme les bagnoles qui devraient passer sur cette route : de la mécanique… et bientôt de la casse.
Cette fois, il ne l’a pas entendue venir. Sa voix le fait sursauter.
─ Ça ne sert à rien que tu te ronges, dit Dolly. Ça ne fera pas venir les clients. Pas ce soir en tout cas. Avec le vent qui se lève, tu penses bien que les gens vont rester chez eux, même si Kirt ne ferme pas le bar avant l’aube, sous prétexte que c’est samedi.
Il bougonne sans conviction :
─ Il aura toujours plus de clients que nous !
─ Oui. Mais je t’avais prévenu, Bill. Cette station, elle ne valait pas un clou, elle était déjà à moitié déserte quand on est venus la voir. Ce gros plein de soupe qui nous faisait l’article. Il voulait s'en débarrasser. Tu parles ! Avec une poignée de dollars, on ne pouvait  pas s’attendre à mieux ! Et toi, tu y croyais, surtout à cause du matériel dans l’atelier. Tu t’imaginais que les affaires allaient marcher comme avant, comme quand on avait le garage. Pour ce qu’il sert tout ce matériel depuis que tu es là ! Tu ne m’as pas écoutée. Comme d’habitude du reste !
Il serre les accoudoirs, à en faire craquer le bois. La patience de tout à l’heure, il ne lui en reste pas beaucoup ! Décidément, ce soir, elle est remontée Dolly. Il voudrait ne pas lui répondre, mais c’est plus fort que lui. Il ne peut pas tout le temps laisser filer ce qu’elle dit et tous ces rappels de la réalité dont elle est capable quand ça l’arrange. On dirait qu’elle prend un malin plaisir à le faire souffrir. C’est pas qu’elle soit mauvaise, Dolly, mais elle est pugnace, elle  revient et elle y revient… Pas un soir où elle ne lui ressert pas la même rengaine !
Il tourne à moitié la tête. Juste assez pour s’assurer qu’elle l’entend:
─ Et on aurait fait comment, quand il a fallu partir en catastrophe de Chicago ? Avec le peu de fric qu’on avait ? Dis voir, un peu ? On aurait pris quoi avec la monnaie de singe qui nous est restée après ?
Le poing de Dolly, contre le chambranle, agit sur lui comme un encouragement. Et puis maintenant qu’il est lancé, il le sent, il ne va pas pouvoir s’arrêter.
─ Tu rêves, ma pauvre femme ! Tu as toujours rêvé ! Ah, ça depuis trente-cinq ans, tu en moulines des rêves, et quand je dis des rêves, c’est peu dire ! Des chimères, oui ! La vérité, c’est que t’as toujours eu la folie des grandeurs. Des châteaux en Espagne, tu vois ? Je me souviens, quand on s’est rencontrés, moi je faisais des efforts pour te cacher mes ongles peints au cambouis. J'étais pas un homme pour toi. Tu m’as pris les mains et tu as dit : « Mais c’est de l’or, Monsieur, ces mains-là, vous allez voir ce que vous allez voir, elles seront les orfèvres du capot de ces dames ! » A l’époque, je ne sais pas de quoi tu rêvais, peut-être d’être la patronne du complexe à la Bretelle 12 de l’autoroute. C’est ça, hein ?
─ T’es injuste, Bill, injuste. T’es mal… et tu peux même pas te remettre en question... Moi, je sais bien ce qui s’est passé…
Il fixe à présent l’asphalte brillante sous le soleil couchant et entend Dolly qui se mouche de plus en plus fort. Entre les mots. Après la colère, les pleurs. Classique avec Dolly. C’est toujours comme ça. D’abord elle se fâche et après elle se sert des mouchoirs, pour le désarmer.
A quoi bon lui tendre une perche pour qu’elle poursuive. Ça fait longtemps qu’il sait qu’elle a raison. Elle lui déjà seriné,  cent cinquante mille fois, pourquoi ils en sont là, à cause de son manque d’ambition. C’est stérile d’y revenir à tout bout de champ, c’est tout. Ce qu’il sait, lui, c’est que la pompe est pleine et le tiroir-caisse vide. Et que le macadam de cette route, on ne peut pas dire que les voitures s’y bousculent ! C’est la faute à pas de chance ! Parce qu’il s’en souvient, il y a dix ans en arrière, c’était pas comme ça quand la voie rapide pour San Diégo n’était pas construite. Il y avait un peu de trafic et du travail à la pompe, et même à l’atelier il avait de quoi s’occuper avec les tracteurs des fermiers. Surtout au moment des moissons, quand ils tombaient en panne en pleine nuit, à force d’avoir tourné.  
Dolly fait mine de tousser. On dirait qu’elle s’est calmée et qu’elle a suivi le cours de ses pensées :
─ C’est pas de ta faute mon homme. Tu ne pouvais pas savoir qu’on nous ferait ce sale coup. On s’est même bien gardé de nous le dire ! Mais moi, je ne sais pas pourquoi, au départ, j’avais un mauvais pressentiment. Un truc, tu sais en dedans, qui dit «  Non, Non ! », alors que les autres attendent qu’on dise «  Oui ! je suis partant! » J’ai bien essayé, mais tu ne m’as pas écoutée. T’étais emballé par les quatre voies. T’imaginais un vrai ballet de pare- brise devant  ta pompe !…
─ Tais-toi, Dolly, tais-toi ! J’ai pas envie de remuer tout ça, tu peux comprendre ou pas ? J’ai juste envie d’écouter le vent qui arrive de Mildraim, et de regarder ce peu de clarté qui traîne dans le ciel.
La voix de Dolly s’est radoucie :
─ Je peux comprendre. Je me demande même si j’ai fait autre chose que cela depuis toujours : comprendre. Essayer de comprendre... tes réactions imprévisibles avec le petit. Tes coups de gueule, souvent pour rien ! Et pire, ce que tu lui lançais dans les derniers temps au garage, chaque fois que ça ne te plaisait pas qu’il prenne des initiatives. A la fin, de se faire taper dessus…
 -- Je ne l’ai jamais touché ! Tu racontes des histoires, Dolly ! Pas une fois, j'ai levé la main sur lui !
 ─ Non, d'accord ! Mais taper dessus avec des mots, c’est pareil, ça fait des bleus et des bosses en-dedans.
Il ne l’entend plus. Il a des fourmis sur sa botte droite, et les fait valser en donnant un coup de pied contre le barreau de la chaise.
─ Je vais fermer la grille derrière.
Maintenant en marchant, il est seul. Seul avec le souvenir du petit mot laissé sur le bureau dans le garage. C’est lui qui l’a trouvé en descendant le lendemain matin, près de la boîte en fer où il avait mis l'argent, après la bonne occase de la Chevrolet vendue à Pépito : « Pardon, Je vous rendrai l’argent. C’est juste un emprunt. Promis. Je pars avec des potes. Je vous aime. »
 Mais Bill s’en fout de ce « Je vous aime. ». Enfin, non, il ne s’en fout pas, mais ça, il ne peut pas le dire à Dolly. Ni qu’un jour, il en est sûr, il va le revoir arriver son gamin, dans une Cadillac ou une grosse Ford Mustang. Ou en stop. Bon Dieu! Même à pied sur cette route ! Pourvu qu’il revienne.
Le creux, là, dans le bas de la poitrine, c’est la faim ou l’absence ?

jeudi 4 octobre 2012

Café Littéraire "Dans l'intimité des écrivains"

Pour ceux d'entre vous qui m'ont fait le plaisir d'assister le 29 septembre, à la Médiathèque de Draguignan, au Café Littéraire "Dans l'intimité des écrivains", voici comme promis, les noms des auteurs choisis et les titres des ouvrages dans lesquels j'ai puisé :
- Jean-Jacques Salgon : 07 et autres récits.
- Jean-Baptiste Pontalis : Le dormeur éveillé.
- Pat Conroy : Le Prince des marées.
- Nancy Huston : Lignes de faille.
- Annie Ernaux : Une femme. 
- Sophie Calle : Histoires vraies.
- Albert Cohen : Le livre de ma mère.
- François Cavanna : Les Ritals.
- Oriana Fallaci : Lettre à un enfant jamais né.
- Nathalie Sarraute : Enfance.
- Albert Camus : Le premier homme.
Bonnes lectures ! Et à bientôt de nous retrouver pour la suite...
 

mardi 25 septembre 2012

Présentation de mon nouveau roman " Ma vie sans moi"

 
Le dernier roman de la trilogie vient de paraître aux éditions L'Harmattan


Ma vie sans moi
Dans la ligne du Parti, 1944-1947 

Automne 1944. Lorenzo rentre à Paris, retrouve son quartier, Pigalle, et le Faubourg Saint-Antoine. Depuis cinq ans, il n’a connu que des années de guerre : la mobilisation en 1939, la débâcle de 40, la longue captivité et la Résistance dans le maquis des Ardennes.

Rejoindre le Faubourg Saint-Antoine, c’est renouer tout naturellement avec son métier de tapissier. 

La rencontre inopinée avec un ancien camarade d’atelier, militant syndicaliste et communiste convaincu, va occasionner son engagement dans les rangs du parti des travailleurs, le Parti communiste français, dont il va devenir un militant sincère et actif.

On est à la fin de la guerre. Le PCF est auréolé de la gloire de l’URSS, de la résistance héroïque et victorieuse du peuple soviétique. Même Léon Blum, rentrant d’Allemagne en 1945, écrit, et pour la seule fois de sa vie, dans un article, un paragraphe à la gloire de Staline !

L’aube des lendemains qui chantent se lève. Fort du soutien de 25% de la population française, le Parti a pour ambition de prendre le pouvoir. Il veut gagner ce dernier dans la légalité et utilise à cette fin une méthode bolchévique qui a montré son efficacité : faire occuper, par des militants loyaux et fidèles, un maximum de postes clefs de la société. C’est ainsi que Lorenzo, encouragé par sa femme, accepte l’injonction du Parti : quitter le Faubourg et rejoindre la Maison de la Radio.

La Radio de l’Occupation est révolue. Mais, comme toutes les institutions qui ont été gangrénées par la collaboration, elle est encore en proie à de multiples balbutiements et de nombreux désordres. Aux différents niveaux, ses responsables, malgré leur détermination, peinent à mettre en place une grande Radio d’Etat : la Radiodiffusion Française. On croisera, dans le roman, des hommes et des femmes qui luttent pour une renaissance saine de la Maison, tandis que d’autres s’accrochent à leurs privilèges malgré un passé récent douteux.

Le roman évoque quelques événements marquants du Parti, au travers de la vie de Lorenzo et de celle de ses compagnons de route, des militants ordinaires, extraordinairement dévoués, solidaires, généreux, portés par l’espérance et la fraternité.

Ce roman n’est pas seulement axé sur l’histoire d’un communiste engagé. Il est aussi le récit d’un homme qui aime les femmes. Pris entre l’amour de la sienne qu’il admire et celui de sa maîtresse qu’il désire, Lorenzo tente de composer un quotidien qui l’arrange et lui suffit. Comme souvent dans l’amour, les attachements aux deux femmes de sa vie se complètent et lui sont indispensables.

Mais la survenue du hasard en décide autrement, obligeant Lorenzo à sortir de cette situation qu’il voulait pérenne. La précipitation et l’enchaînement des événements feront le reste. Puisque Lorenzo n’a pas su choisir, le destin se chargera de décider à sa place et bouleversera son existence.

vendredi 22 juin 2012

Début d'été

J'ai peu écrit depuis avril. C'est vrai ! Pourtant la culture ne manque pas ! 
Lu : deux romans d'une certaine MD  (non pas Duras !). Rien d'autre à en dire sinon que le succès se gagne parfois avec du pipi de chat.
Vu : à Paris la magnifique exposition consacrée à Berthe Morizot. Fichtre! le coup de pinceau de cette femme  était sacrément indépendant !
Vu : près de mon village une pièce que j'adore: "La visite de la vieille dame", jouée par une troupe qui, à mon sens, devrait aller prendre quelques cours. Je suis pourtant bon public au théâtre, mais là, franchement se tromper à ce point sur le message de Dürrenmatt, c'est un scandale ! comme aurait dit notre cher vieux Marchais, qui nous manque bien en ces temps où tout discours est lisse à  pleurer. Ah! au fait, ce n'est pas de Marchais que je vous entretiendrai dans le roman que je viens de terminer. Mais de la vie interne du PCF entre 44 et 47. Rassurez-vous, je ne fais pas œuvre d'historien. De grands noms ont écrit sur le sujet. Mon ambition est plus modeste : faire vivre au quotidien un homme au lendemain de la dernière guerre mondiale, pris dans ses contradictions, ses engagements, ses doutes, ses désirs. Je vous en dirai plus bientôt. C'est promis.

mardi 17 avril 2012

"Voyage au pays des ZE-KA "de Julius Margolin

Contrairement à mon habitude, je ne vous dirai rien sur ce livre. Sachez seulement que ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas, sont privés à ce jour d'une des œuvres majeures du XXème siècle. Si tel est votre cas, courez. Achetez-le, empruntez-le à un ami, à une bibliothèque, j'allais écrire : dérobez-le, mais la morale me l'interdit...
Et si vous le lisez, parlons-en. Voulez-vous?

J'aime... J'aime... J'aime : "Canal Mussolini" de Antonio Pennacchi

C'est un roman comme je les aime : fort et roboratif, grave et facétieux.
Une belle histoire de clan, de tribu, de chaînes héréditaires, traversée de soubresauts permanents, de heurts, de jalousies mesquines et parfois d'ignorance crasse.
Dès le début du récit, le narrateur, celui qui hérite du lot familial des Peruzzi - des paysans pauvres du nord de l'Italie - prend le lecteur à témoin, le met dans sa poche, l'entraîne, le contraint à devenir partie prenante. Vous me direz : c'est un procédé littéraire facile. J'en conviens. Mais il a ici, sous la plume humoristique et percutante de Pennacchi, une fonction d'amplification des événements. Interpeller le lecteur, le solliciter, le rabrouer, sert le projet d'ajouter une vision réflexive sur le propos traité. Comme si au lieu de tourner nonchalamment les pages du récit, nous étions munis d'une loupe et d'un carnet de notes pour revenir un peu plus tard sur le sujet.
Venons-en maintenant à la trame du récit : une famille de modestes métayers, poussée par la misère, séduite par des promesses d'eldorado, s'exile jusqu'au monde inhumain des Marais Pontains que Mussolini, dans son inaltérable mégalomanie, a décidé de faire assécher. Le fascisme a des ambitions grandioses d'Empire. Rien ne l'arrête, pas plus le projet de construire un paradis sur des terres inhospitalières, infestées de moustiques, où il ne pousse rien, que celui d'étendre son hégémonie sur des peuples d'Afrique à coups d'armes bactériologiques et autres raffinements technologiques.
Sur fond de misères quotidiennes, de deuils, de catastrophes prévisibles mais inévitables, de bouleversements mondiaux, Antonio Pennacchi nous raconte, avec truculence et émotion, trente années  d'errances fascistes. Et par dessus tout, la condition inhumaine de ceux qui se battent contre les nantis, qui rêvent de dignité sociale, disparaissent à la guerre, meurent de malaria.
Canal Mussolini est un livre pour ceux qui aiment l'Histoire et l'histoire des petites gens, humbles, courageux, crédules et prêts à relever la tête malgré les coups du sort.

dimanche 11 mars 2012

Mathématiques dominicales

On peut définir un homme ou une femme, une organisation, un système, par trois catégories: 
Les valeurs, les compétences, les méthodes. On assemble les prédicats et on obtient :
Valeurs + compétences - méthodes = velléitaire, brouillon, dispersé.
Valeurs + méthodes - compétences = phraseur, illusionniste, touche à tout.
Méthodes + compétences - valeurs = Paris Match.
Ce journal, que je feuillette périodiquement sous le casque de mon coiffeur, entre sans conteste dans cette dernière catégorie. Les photos sont remarquables, les compétences avérées ( il a réussi à fidéliser ses lecteurs en produisant des pages entières sur des informations aussi délayées qu'un clair potage, et là on ne peut s'empêcher de repenser au fameux sketch de Coluche sur la désinformation), mais ses valeurs sont contestables. Regardez ce qui vient d'arriver à la compagne de François Hollande. Journaliste à Paris Match depuis de nombreuses années, elle découvre stupéfaite sa photo en couverture et une dizaine de pages sur sa 'romance' avec le candidat à l'élection présidentielle. Personne ne lui en a parlé, personne ne lui a demandé son accord, et cerise sur le gâteau, on lui demande de démissionner de son poste de journaliste du journal.
Une réflexion connexe s'impose sur la connivence  d'un duo valeurs et méthodes : certaines valeurs s'accouplent avec certaines méthodes. Vous savez, comme moi, parce que l'Histoire nous l'enseigne, où cela mène.

vendredi 9 mars 2012

Le progrès humain

Quand aujourd'hui, dans mon environnement, quelqu'un profère une grosse ânerie, je sais maintenant résister à la réplique, mieux me taire. Je vous le disais bien : j'ai progressé!

mercredi 7 mars 2012

Pourquoi j'aime " Mad Men"

Certains de mes proches ne comprennent pas pourquoi je suis fan de la série américaine "Mad Men".
En quelques mots, il me faut donc dire ce qui me fascine dans cette chronique des années 60, principalement
axée sur le monde de la publicité new-yorkaise.
La bande annonce est à elle seule tout un programme : "Quand les hommes étaient des hommes et les femmes portaient des jupes". Les hommes de Mad Men sont de "vrais" hommes, des mâles, des mecs. Ils entendent commander seuls, boire et fumer beaucoup (trop), conduire de belles décapotables longues comme un jour sans fin, utiliser les femmes comme des jouets sexuels, leur mentir, les humilier quand nécessaire, ne pas rechigner devant le moindre coup bas. Les femmes qui ressemblent presque toutes à des poupées Barbies "encaissent".
Mais ce qui se fait jour, en ce début des années 60, se joue sur plusieurs tableaux : l'émancipation des femmes (voir Peggy qui s'impose par sa valeur professionnelle et devient l'égale de ces messieurs de l'agence, Betty qui finit par exiger le divorce, excédée par les frasques de son mari ), la libération progressive des mœurs sexuelles, la montée en puissance de la drogue et des comportements délinquants, la force d'une vie artistique nouvelle et originale, les guerres de Corée et du Viet-Nam, et peu à peu, non sans douleur, l'égalité des Noirs américains.
Les grands événements de ces fertiles années sont tous là, appuyés ou suggérés. Un des nombreux intérêts de la série est de nous montrer leur répercussion sur la vie de l'agence et celle des personnages.
L'Amérique étriquée dans ses valeurs éducatives du passé vacille. Et quand Lane Pryce (un des associés de l'agence qui frise la soixantaine) reçoit de la part de son vieux père un coup de canne d'une violence inouïe, qui le jette ensanglanté sur le sol, parce qu'il a osé devenir l'amant d'une charmante jeune femme noire, le spectateur se dit que ce monde-là vit ses derniers soubresauts. Et que c'est bien ainsi, parce qu'il y a là, dans cette maltraitance, quelque chose d'intolérable. 
On peut tout simplement aimer ce monde des années 60 par le petit bout de la lorgnette personnelle et c'est mon cas : j'y observe les coiffures, les vêtements féminins et masculins, les intérieurs douillets, meublés avec beaucoup d'argent, les technologies du moment. Et je mesure combien à l'époque, de l'autre côté de l'Atlantique, sur les mêmes sujets, nos univers étaient beaucoup moins argentés. Ils se déclinaient à Paris, dans la modestie de nos moyens financiers.
Dans l'intrigue générale qui traverse toute la série, il y a bien sûr, aussi,  le trop lourd secret de vie du héros de Mad Men, Don Drapper, secret qui hante son existence et qui le rattrape à chaque virage de son quotidien.
Rien que pour la manière dont ce secret est traité, la série Mad Men est une réussite incontestable.
J'aurais encore beaucoup à dire sur la série et j'invite tous ceux qui l'ont vue et qui liront cette chronique à accepter de dialoguer avec moi. A bientôt.

vendredi 27 janvier 2012

Outreau

  • Actualité d'hier, un couple acquitté, de nouveau devant la justice, pour des faits de maltraitance. Et ces enfants qu'on n'a pas entendus à temps, qui aujourd'hui se plaignent. 
  • Je le répète encore : dans l'affaire d'Outreau, on n'a pas accordé aux paroles des enfants la place et le respect qu'elles méritaient. Les enfants maltraités, abusés, mentent rarement. 
  • La rétractation est le résultat des pressions et de la peur.
  • L'affabulation est un a priori des adultes.
  • Il est plus facile d'être dans le déni que de se confronter à l'insupportable vérité de la perversion des adultes. 

Fin du jour

Au loin de douces collines roses
D’un soleil trop tôt disparu
Au loin la flûte dans les pâturages
Comme un appel
Comme un écho
Chant solitaire
D’une paix du soir
Vague refrain
Douces mélodies
Souples voluptés


Au bord du ruisseau
Bruissent les herbes
Folles sous le vent
Qui jamais ne s’éloigne
Caresse la rengaine
Ce chant d’espoir
 Chant du désir
Appel
De l’aimé des corps et des sorts
D’une plainte alanguie
Qui conte l’éloignement
La solitude désirée par les hommes
Qui conte l’étouffement
La traque la peur le destin de cet homme
qui devient hors la loi
Qui conte la révolte contre toutes injustices
Solitude ignorance
Dignité âpreté
Silence contre égoïsme
Regrets et certitudes
Mort remords et serments
De ce pêché renouvelé

vendredi 6 janvier 2012

Après la pluie



Il pleut
C’est le temps qu’il préfère.
Il veut marcher dans la campagne
et enfoncer ses godillots
 dans les sillons des champs détrempés par les restes de culture.
A chaque pas
 il n’est pas sûr de retirer avec succès le pied embourbé.
Il pense aux hommes qui luttent
 pour une maigre ration d’eau
Qui se battent avec les cultures asséchées par le vent,
 là-bas,
 loin dans ce pays qu’il n’a plus revu.

Depuis quand est-il revenu ? Un an ? deux ?
Il ne sait pas.
Il n’en pouvait plus d’être loin de Mathilde,
de sa main blanche et longue qui écrivait chaque semaine des lettres de pluie de ciel gris et de médiocrité.
Elle lui parlait de ce qu’il avait
lui 
le soleil source de beauté
la lumière
le sable au parfum de brise
mais le soleil sans elle 
c’était de la chaleur sur de la poussière.
Chaque lettre de Mathilde était un arc en ciel dans son ciel de métropolitain exilé
accélérait son besoin de la revoir.

Un jour
il a regardé ce long bateau blanc dans le port d’Alger en partance pour la France. Ça c’est fait comme ça 
sans bagage
avec son costume de lin et son chapeau colonial.
 Une pulsion rien d’autre.
 Un appel irrésistible.
Faire une surprise à Mathilde et retrouver dans un éblouissement tout ce qu’ils avaient connu

Dans la maison normande vide
 les choses n’étaient plus aux places connues.
 D’autres étaient là
étrangères
passagères
distraitement posées.
Il sentit une autre présence d’homme
due à un je ne sais quoi de ce désordre qui appartient à la virilité.
Il avait encore les clefs de la maison.
Il les posa sur le guéridon de l’entrée 
et la porte
en se refermant derrière lui ne fit pas plus de bruit qu’un craquement d’allumette.