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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

lundi 17 février 2014

"Sigmaringen"

Il me serait agréable de vous dire que ce livre m'a emballée. Et pourtant ce n'est pas le cas. Certes, soixante-dix ans après les faits,  l'histoire elle-même  continue de nous passionner : à l'automne 1944, près de deux mille personnes impliquées dans la collaboration française avec les nazis se réfugient au château de Sigmaringen, en Allemagne, dans l'attente (illusoire) de jours meilleurs. Certains en sont intimement convaincus : l'Allemagne gagnera la guerre et ils reviendront au pouvoir en France. La fine fleur des traîtres est là : Pétain, Laval, Darnand, Déat, Abetz, l'incontournable Céline. Des grandes pointures et du menu fretin. Ceux qui ont commandé les pires crimes et ceux qui, sans état d'âme, les ont exécutés. Tous, à des niveaux divers, ont à craindre pour leur peau. D'un étage du château à l'autre, on s'ignore, on se fuit, car les haines et les rancunes ne s'apaisent pas dans ce sinistre exil. On pallie l'absence de liberté et l'ennui à l'aide de l'arrogance, la bonne chère et les ragots.
D'où vient le malaise ressenti à la lecture du récit ? Certainement pas des faits historiques eux-mêmes. Ils sont honnêtement rapportés. Alors de quoi ?
L'auteur a retenu le parti-pris littéraire  d'un récit à la première personne. C'est un choix d'auteur, il n'y a rien à redire là-dessus. Je le respecte. Le narrateur est le majordome des Hohenzollern, resté au château tandis que ses maîtres ont été priés de s'éclipser. Il raconte la vie au quotidien de ces quelques six mois de peur et de folie. Mais la place que ce serviteur occupe au fil des pages, sa romance amoureuse, sa passion musicale, ses réflexions intimes, nous dévient de notre attente. On se croirait dans les sous-sols de la série télévisée "Downton Abbey", référence qui figure d'ailleurs dans les sources documentaires de Pierre Assouline. La vie du monde des domestiques au service des puissants est passionnante, j'en conviens. Il suffit de se souvenir de ce très beau livre : "Les vestiges du jour". Mais elle prend le pas sur le sujet et c'est dommage. Le propos historique, relégué à la seconde place, est anecdotique. Pourtant Assouline s'est entouré d'une richesse documentaire impressionnante. Ce qu'il en a fait dans son livre reste frustrant.
Le mois prochain, je vous parlerai d'un livre remarquable :"Le nazi et le psychiatre". En attendant, si vous voulez mieux comprendre comment et pourquoi n'importe lequel d'entre nous peut devenir un bourreau on ne peut plus banal, penchez-vous sur les travaux de Stanley Milgram et d'Hannah Arendt. A très bientôt...