Ce n'était pas un ami. C'était mon ami. Depuis trente ans, nous partagions les mêmes enthousiasmes professionnels et organisions ensemble des manifestations psycho-pédagogiques pour la réussite desquelles nous faisions face à tous les obstacles rencontrés. Sans doute, parce que nous étions deux à vouloir le meilleur pour nos stagiaires, avons-nous été récompensés par de chaleureuses gratitudes. La vie nous a rapprochés, liés. Aucun sujet ne pouvait être tabou entre nous, même ceux qui relèvent des secrets de la sphère privée. Nous étions le confident intime de l'autre. L'amitié n'aurait pu s'interrompre qu'avec la fin de la vie. C'est ce que nous croyions, c'est ce que je croyais. Un jour, il y a quinze ans, il a annoncé la rupture au téléphone, sans aucune justification, se dérobant à mes demandes d'explications, à mes suppliques, à mon désespoir devant ce qui était incompréhensible. Depuis toutes ces années, le chagrin s'est peu atténué. J'ai eu le temps d'échafauder des hypothèses en recoupant des petits faits qui nous concernaient mais surtout qui relevaient de l'hostilité de notre entourage et particulièrement du sien.
La lâcheté, ce n'est pas tant la rupture que la dérobade.