Personnellement, je me pencherai avec intérêt sur les revendications des enseignants quand ces derniers descendront dans la rue le samedi après-midi ou la première semaine de juillet.
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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.mardi 27 septembre 2011
lundi 19 septembre 2011
Le pardon
Le pardon est une démarche personnelle très délicate et constitue un sujet à propos duquel les réactions contrastées sont toujours vives. Personnellement, je n'ai pas beaucoup changé de point de vue depuis ces années,où confrontée en tant que thérapeute à des familles incestueuses, j'ai affirmé ceci :
- le pardon n'est pas, n'est jamais une obligation pour une victime. C'est un choix personnel. Faire pression sur une victime pour qu'elle pardonne à tout prix, c'est à coup sûr rajouter de la culpabilité si elle refuse de le faire.
- Pour pardonner, un préalable : il faut que l'agresseur se repente, considère son acte comme une faute, un très grave préjudice moral, psychique, physique. Qu'il demande pardon à sa victime de manière directe, avec des mots qu'il ressent, et pas ceux qui lui auront été dictés par un tiers. Qu'il prenne l'engagement solennel de ne pas recommencer, de préciser les dispositions qu'il va prendre pour éviter la récidive.
- Ensuite de quoi, une victime peut peut-être pardonner, loin des exhortations de ceux qui soulagent leur conscience en jouant les magnanimes.
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dimanche 18 septembre 2011
Problème de santé intime... et publique
Quand le corps souffre (passagèrement s'entend!), ne dites pas "je suis malade", mais " j'ai un pépin de santé". Si vous utilisez un langage dédramatisé pour une affection temporaire, si vous convenez que c'est momentané, que c'est guérissable, vous irez moins chez le médecin et chez les spécialistes, vous ferez moins d'examens, vous prendrez moins de médicaments, vous réduirez votre angoisse existentielle... et la Sécurité Sociale se portera mieux.
Vous me rétorquerez peut-être que c'est absurde, que les mots n'ont pas d'importance, qu'ils sont interchangeables. Détrompez-vous. Je crois que le langage qu'on se tient à soi-même sur soi agit beaucoup, sur notre psychisme bien sûr, mais aussi sur notre corps. Ne l'oubliez jamais : notre corps est un ami précieux, un vrai, peut-être le meilleur.
jeudi 15 septembre 2011
"Habemus papam", un pape de papier chiffonné
Ce que j'aime par dessus tout dans le cinéma italien, c'est son incroyable invention de satires sur les sujets les plus délicats. Depuis longtemps, on le sait, les cinéastes italiens ont choisi de nous faire rire là où il y aurait lieu de pleurer (pour mémoire deux films cultes pour moi : Pain et chocolat et Affreux, sales et méchants).
Or donc, dans le film Habemus papam, nous assistons à l'élection d'un pape, un cardinal français du nom de Melville ( joué par un extraordinaire Michel Piccoli) et aux rebondissements que suscite la désignation inattendue d'un homme qui se vit comme totalement incompétent.
Je ne raconterai pas ici le scénario, original, désopilant dans certaines scènes, de notre cher Nanni Moretti qui a su prendre la relève des grands réalisateurs italiens des soixante dernières années.
Ce qui m'intéresse dans ce film c'est le déploiement de la fragilité humaine. Sous leurs chasubles rouge sang bordées d'or et de dentelles à festons, leurs calottes ajustées, leurs barrettes à cornes géométriques, des hommes ordinaires se battent en catimini avec leurs grandes angoisses de petites personnes. Accrocs aux réussites hasardeuses des cartes, aux puzzles, aux somnifères et aux anxiolytiques censés soigner leurs déprimes, ils tentent de parcourir la vie. Ils y tiennent un rôle, celui du pouvoir exorbitant des porte-parole de Dieu.
Melville, le pape élu, a vécu son existence en soliloquant sous le regard de Dieu, mais il est passé à côté de sa vraie vie, de sa passion pour le théâtre et Tchekhov. Cet homme ne s'est jamais remis d'avoir échoué à l'entrée au Conservatoire. Certes, au fil des années, la blessure s'est enfouie, refoulée dans les profondeurs de l'inconscient. Les apparats du cardinalat ont opéré le deuil. En apparence seulement. Mais, c'est sans compter sur ce que la psychanalyse nomme le retour du refoulé. L'élection au pouvoir ecclésiastique suprême est l'occasion d'un surgissement inopiné de la blessure non refermée. Chacun de nous est à même de trouver dans sa vie un événement particulier à la faveur duquel un traumatisme ancien ressurgit, inattendu, implacablement douloureux (voir ce qu'écrit très bien à ce sujet Lionel Duroy dans son roman Le chagrin). Melville voulait être comédien. C'est sa sœur qui est entrée au Conservatoire. Il y aurait là, rien que là, matière à disserter sur l'adversité fraternelle, sur son enfouissement sous le boisseau de la banalisation des rapports familiaux... Mais j'aurai sans doute l'opportunité de l'évoquer un jour. Revenons donc à notre pape, qui en échappant à la vigilance de ses gardes du corps, s'enfuit, bat le pavé romain et s'enivre des moindres spectacles que lui offre cette escapade. J'aime ce parcours symbolique, initiatique, d'un vieil homme qui recontacte son Soi originel, ses besoins, ses désirs, qui apprend à dire non (peut-être pour la première fois de sa vie), à repousser le pouvoir religieux. Mélancolique, névrosé dépressif jusqu'au jour de son élection, Melville dans son errance découvre l'homme qu'il aurait voulu être et l'assume. Il n'est jamais trop tard pour être soi !
Tout se paye !
Depuis trente ans maintenant, on assiste à un phénomène qui ne se dément pas : une véritable désaffection pour la psychanalyse, supplantée dans le coeur des patients par les thérapies comportementales et cognitives.
A qui la faute sinon aux psychanalystes eux-mêmes ? La psychanalyse est tombée de son piédestal et ce sont uniquement ses ardents défenseurs qui l'ont déboulonnée à coups d'abyssal mépris pour toute autre approche de la thérapie.
Ce n'est pas la psychanalyse que je remets en cause : je serai encore longtemps convaincue par les immenses apports de Freud : l'exploration de l'inconscient, la libre association qui permet d'accéder aux profondeurs de l'âme et aide à la levée du refoulement, les pulsions de vie et de mort, l'interprétation des rêves, la forclusion du père, le complexe d’œdipe...
Même si comme Michel Onfray l'a rappelé récemment, à juste titre, Sigmund Freud n'a pas été dans sa vie d'homme à la hauteur de sa pensée, loin s'en faut ! Mais ceci n'est pas mon propos aujourd'hui. J'ai déjà dans les années 1990, exposé longuement dans des conférences sur la théorie de la séduction, tout le mal qu'il convenait de penser des revirements freudiens et des ravages qu'ils ont provoqués chez les victimes d'abus sexuels.
Je reviens donc aux psychanalystes pour leur répéter une fois encore qu'ils ont endommagé leur prestigieuse théorie (pour ne pas dire massacré), par leurs attitudes dogmatiques intransigeantes, leurs rituels sectaires, leurs excès. Des exemples puisés dans la pratique de bon nombre d'entre eux? : la cure psychanalytique est un parcours interminable qui nécessite deux à trois séances par semaine, les séances se payent en espèces, l'argent se met dans une boîte ( car le psy n'y touche pas), le contact physique est exclu : pas question de se serrer la main. Quant aux autres théories psychologiques, elles sont pour les psychanalystes des errements de la pensée qui n'ont qu'un objectif : l'obsession de la performance c'est à dire les soulagement de la souffrance des patients par un effacement superficiel des symptômes.
Depuis la parution du livre de Michel Onfray "Le crépuscule d'une idole", je me suis livrée à une petite expérience en interrogeant quelques psychanalystes sur ce qu'ils pensaient de l'ouvrage. Aucun ne l'avait lu, mais tous le condamnaient comme l’œuvre d'un Satan ! Et voilà comment la pensée, la réflexion, la dialectique régressent et meurent autour de nous. La psychanalyse se meurt ? Tout se paye.
mardi 6 septembre 2011
C'est la rentrée!
Oui, voici venu le temps de la rentrée et pour vous, ce petit cadeau: un extrait de mon récit "La jeunesse d'une fille d'immigrés siciliens" paru en 2008. C'était toute une époque, me direz-vous! Je le souhaite.
« Mesdemoiselles, vous sentez mauvais ! »
A la regarder évoluer dans sa classe, dans les couloirs et aussi dans la cour quand elle surveille la récréation, on pourrait confondre Madame Trabert très raide avec un coq victorieux au panache irréprochable. C’est un général d’infanterie qui aurait gagné des galons à la guerre et atteignant le plus haut grade, attendrait avec fierté les décorations méritées. Elle s’époumone de toutes ses forces dans son sifflet et s’efforce de gonfler d’autorité sa pauvre poitrine plate vers les élèves chahuteuses.
« Mesdemoiselles, vous sentez mauvais ! »
Madame Trabert, narines écartées et grimace à l’appui, avance lentement dans les rangées. Penchée au-dessus de ses élèves, elle fait mine d’ausculter le contenu des pupitres. A chaque pas, le parquet de la classe craque, mais malheureusement ne s’ouvre pas pour l’engloutir.
Elle s’arrête quelquefois, toise une à une les adolescentes. Sa voix les transperce jusqu’aux os. Les syllabes s’égrènent distinctement :
« Mes-de-moi-selles-, vous- sen-tez- mau-vais ! »
Elle sort son fin mouchoir bordé de dentelle et s’en couvre le bas du visage.
Quand Madame Trabert ne pratique pas l’inspection des pupitres, il lui arrive de s’intéresser aux têtes enfantines. Armée de sa règle, les lunettes sur le nez, elle soulève lentement les mèches de cheveux, avec un certain dégoût, à la recherche des lentes et des poux. Examiner la propreté des têtes, des mains et des ongles est monnaie courante, mais elle peut pousser le raffinement jusqu’à faire déchausser ses élèves.
Depuis bientôt vingt ans, Madame Trabert est chargée de l’avant-dernière année de primaire, juste après la classe de Mademoiselle Faure. Dès cette classe, les adolescentes peuvent être présentées au Certificat d’Etudes.

C’est avec appréhension qu’en octobre, Angelina entre dans la classe de Madame Trabert. Elle connaît la maîtresse de réputation, mais ne soupçonne pas ce qu’elle va vivre jusqu’aux vacances d’été.
Le : « Mesdemoiselles, vous sentez mauvais ! » est une des toutes premières réflexions amicales de la maîtresse, qui sans doute utilise ici un moyen très personnel d'éduquer les enfants à l’hygiène corporelle.
La présence de lentes et de poux est un vrai cauchemar pour Angelina. A treize ans, elle possède à présent une abondante chevelure ondulée, une sorte de casque brun épais que les autres camarades appellent la tignasse et dans laquelle les parasites ne sont pas rares. Madame Trabert ne se prive pas de donner des instructions pour éliminer les indésirables. Angelina ne raconte pas à sa mère comment la maîtresse s’adresse aux élèves, en classe. Mais chaque samedi soir, elle et sa sœur Santa, baissent la tête sous la lampe, attendent patiemment de leur mère l’épouillage douloureux et le rinçage des cheveux au vinaigre.
Durant toute une année, Madame Trabert maltraite, terrorise, humilie les élèves en général, avec un supplément de cruauté envers celles qu’elle n’aime pas. Angelina va devenir une de ses souffre-douleur.
Personne n’élucidera jamais pourquoi cette femme habillée de manière très chic, comme seules peuvent l’être les bourgeoises, se vantant d’être mariée à un directeur de banque, d’habiter du côté des Invalides, parlant à tout bout de champ en classe de sa domesticité, travaille dans cette école de la butte Montmartre fréquentée par des élèves de milieux plutôt modestes. Crainte de s’ennuyer dans l’oisiveté ? Occasions inespérées et journalières d’assouvir son sadisme et sa sourde haine des étrangers ?
Au cours de l’année précédente, passée auprès de Mademoiselle Faure, les adolescentes avaient adopté des habitudes de liberté et d’assurance, qu’elles vont s’empresser de réfréner bien vite chez Madame Trabert. La maîtresse de cette année a opté pour une autre conception de la discipline. Elle ne complimente pas, distribue généreusement des punitions et des lignes. Très rapidement, par exemple, les élèves comprennent qu’il n’est pas question de se lever spontanément dans le local, de communiquer avec les autres, de chercher de l’entraide, de lever le doigt pour obtenir une explication supplémentaire quand la maîtresse a terminé un énoncé. Il n’est pas question non plus de fixer la maîtresse rébarbative, de soutenir son regard dur ni de s’attarder sur les lèvres rouges qui laissent échapper des paroles aussi tranchantes que des lames de rasoir.
Et pourtant la bouche de Madame Trabert est hypnotique. Angelina, en l’écoutant, pense à la légende des deux sœurs. L’une était douce et aimante : de sa bouche s’écoulaient du miel, des roses, des pierres précieuses ; l’autre avec agressivité, n’exprimait que des méchancetés, qui prenaient la forme de bêtes repoussantes, de serpents, de crapauds et d’araignées.
Madame Trabert ressemble beaucoup à la seconde sœur de l’histoire, telle que l’imagine Angelina. Elle a les pommettes saillantes, les joues creuses, le profil escarpé avec un nez aussi long qu’un triangle isocèle :
« Insolente, baissez les yeux, Mademoiselle, mais que vous apprend-on chez vous ? Rien, je suppose… bien sûr ! »
La voix est aiguë, stridente : une vraie voix de fausset. Angelina sait à quoi Madame Trabert fait allusion : juste avant les vacances de Noël, la plupart des élèves françaises avaient apporté des boîtes de crottes en chocolat à l’institutrice. Tradition oblige ! Les boîtes enrubannées étaient parfois si larges qu’elles tenaient difficilement sous les bras des adolescentes.
A l’époque, ce cadeau de fin d’année civile aux enseignantes était quasiment inévitable. Mes grands-parents ne connaissaient pas certains usages de l’école et n’avaient pas participé aux présents.
Le soir des vacances, la maîtresse, prévoyante, était venue en classe avec un large cabas à provisions. En fin d’après-midi, Angelina la regarda empiler les boîtes de chocolat dans le sac. Aucune ne fut ouverte à l’intention des élèves pour fêter les vacances et les fêtes de fin d’année !
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