"... La guerre, encore la guerre ! Toi et moi, nous avons été des enfants de la guerre et pas
seulement de celle de 40. Des gosses des années brunes, des sirènes hurlantes
dans le ciel noir de Montmartre, des bombardements sur La Chapelle et le
Sacré-Cœur, des fuites paniques dans les entrailles du métro. Nous n’avons pas
aimé la guerre. Nous l’avons subie. C’est elle qui a formé nos caractères. Elle
a forgé nos identités, d’abord d’enfants de militants communistes, puis de
militants impliqués. Elle a fondé nos valeurs, engendré nos aspirations et les
responsabilités qui en ont découlé. Nous lui devons notre hâte à prendre fait
et cause pour les humains injustement traités, selon nous : Sacco et
Vanzetti, Ethel et Julius Rosenberg, Henri Martin, Djamila Boupacha et tant
d’autres… Nos obsessions, notre fascination pour tout ce qui a touché à la
guerre ont été des conséquences. Des répercussions de toutes les imprégnations
qui se sont fixées en nous. La guerre a marqué notre jeunesse par ses atrocités
et le déploiement inégalé du Mal sur la terre.
Et la guerre de 40 ne fut pas la seule. Des guerres
ont succédé à celle de notre tendre enfance : la guerre froide, la guerre
du Vietnam, la guerre en Algérie. Celle-là, tu n’as pas vécu assez longtemps
pour en connaître l’issue..."