Obscure
douleur. Confuse.
Au fond
des yeux fermés, défilent des étoiles brillantes et des lignes rouges valsant à
tour de rôle. Des lignes et puis des cercles. Des cercles et puis des boules.
Manège. Bougent sans arrêt, se chevauchent, bousculent, n’attendent pas leur
tour, débordent des orbites, s’insinuent dans les tempes… Douleurs.
La peau
de l’index court sur un tissu : drap, doux, repassé. Dessous, une partie
ignorée, un enveloppement mou.
Douleur
aiguë : de bas en haut, éclair en continu et points isolés d’aiguilles
enfoncées jusqu’au tréfonds.
Une odeur
familière repoussante. Le cœur qui se soulève : un baiser mouillé qui
effleure la bouche : « Ma chérie ».
La tête
qui fait non. Non.
Une autre
odeur. Celle-là aussi familière. Une autre bouche, chaude, un autre baiser furtif
sur la joue, glissé près de l’oreille : « C’est bon ! Tu t’en
tires bien ! » Même voix que tout à l’heure : « J’ai eu
peur cette nuit quand tu m’as appelé… Tu n’as plus rien à craindre… »
Odeur
d’éther. Une seule narine. L’autre obstruée par une mèche. Douleur. La mèche qui
appuie trop sur la narine.
Température
chaude au bas du ventre. Liquide qui ne demande rien, aucune permission pour
s’évacuer. Pistolet ou poche ? Douleur. Appuie sur les cuisses
entrouvertes.
Froid.
Pieds et mains glacés. Sensibles. Légère agitation. Formes vivantes,
reconnaissables. Isolées du reste. Quel reste ? De quoi parler puisque
rien ne peut advenir d’une forme humaine. Juste des aiguilles qui s’enfoncent
et poursuivent leur trajectoire vers…
Vers quoi ?
Soif.
Langue énorme et rêche. Envahit le palais. Heurte les dents, les trous. Cherche
l’appareil. Rencontre une douleur sur la voûte du palais blessé. Fissure ? Écorchure ? À force de la lécher, goût sucré du sang dans la bouche. Aux
commissures des lèvres. « Mais, Madame, qu’est-ce qui vous arrive ?
Vous vous êtes mordu la langue ? » La tête dit non, encore non.
À demi-râpeux, un linge caressé autour de la bouche,
avec précaution et lenteur... L’enfance... La floraline... La cuillère maladroite de la petite… La patience de
grand-mère : « Regarde, tu t’en es mis partout ! »…
Coup de
poignard. Un point plus douloureux que les autres. Irradiation aiguë. Sans
doute gémissement. Une voix douce : « Madame, vous souffrez ? »
Souffle court. La tête cette fois ne dit pas non et sans hâte, plusieurs fois,
se penche en avant. « On va vous soulager. Mais quand vous avez mal, ne
laissez pas la douleur s’installer. Appelez-nous. » La poire d’appel donnée
dans la main. Comme un doudou. Emprisonnée dans la main. Tentation d’appuyer
jusqu’à ce qui, dans la tête, ressemblerait à une fin.
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