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Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

dimanche 24 janvier 2016

Soins intensifs




Obscure douleur. Confuse.
Au fond des yeux fermés, défilent des étoiles brillantes et des lignes rouges valsant à tour de rôle. Des lignes et puis des cercles. Des cercles et puis des boules. Manège. Bougent sans arrêt, se chevauchent, bousculent, n’attendent pas leur tour, débordent des orbites, s’insinuent dans les tempes… Douleurs.
La peau de l’index court sur un tissu : drap, doux, repassé. Dessous, une partie ignorée, un enveloppement mou.
Douleur aiguë : de bas en haut, éclair en continu et points isolés d’aiguilles enfoncées jusqu’au tréfonds.
Une odeur familière repoussante. Le cœur qui se soulève : un baiser mouillé qui effleure la bouche : « Ma chérie ».
La tête qui fait non. Non.
Une autre odeur. Celle-là aussi familière. Une autre bouche, chaude, un autre baiser furtif sur la joue, glissé près de l’oreille : « C’est bon ! Tu t’en tires bien ! » Même voix que tout à l’heure : « J’ai eu peur cette nuit quand tu m’as appelé… Tu n’as plus rien à craindre… »
Odeur d’éther. Une seule narine. L’autre obstruée par une mèche. Douleur. La mèche qui appuie trop sur la narine.
Température chaude au bas du ventre. Liquide qui ne demande rien, aucune permission pour s’évacuer. Pistolet ou poche ? Douleur. Appuie sur les cuisses entrouvertes.
Froid. Pieds et mains glacés. Sensibles. Légère agitation. Formes vivantes, reconnaissables. Isolées du reste. Quel reste ? De quoi parler puisque rien ne peut advenir d’une forme humaine. Juste des aiguilles qui s’enfoncent et poursuivent leur trajectoire vers…  Vers quoi ?
Soif. Langue énorme et rêche. Envahit le palais. Heurte les dents, les trous. Cherche l’appareil. Rencontre une douleur sur la voûte du palais blessé. Fissure ? Écorchure ? À force de la lécher, goût sucré du sang dans la bouche. Aux commissures des lèvres. « Mais, Madame, qu’est-ce qui vous arrive ? Vous vous êtes mordu la langue ? » La tête dit non, encore non.
À demi-râpeux, un linge caressé autour de la bouche, avec précaution et lenteur... L’enfance... La floraline... La cuillère maladroite de la petite… La patience de grand-mère : « Regarde, tu t’en es mis partout ! »…
Coup de poignard. Un point plus douloureux que les autres. Irradiation aiguë. Sans doute gémissement. Une voix douce : « Madame, vous souffrez ? » Souffle court. La tête cette fois ne dit pas non et sans hâte, plusieurs fois, se penche en avant. « On va vous soulager. Mais quand vous avez mal, ne laissez pas la douleur s’installer. Appelez-nous. » La poire d’appel donnée dans la main. Comme un doudou. Emprisonnée dans la main. Tentation d’appuyer jusqu’à ce qui, dans la tête, ressemblerait à une fin.
  

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