A la Foire du Trône de la vie, on naît dans une barbe
à papa rose ou bleue. On nous fait croire que l’enfance c’est de la guimauve et
des caramels mous, que le reste sera fait de sucettes à l’anis, de mistral gagnant et de pommes d’amour.
Le train fantôme de l’adolescence ressemble à une
maison hantée. On se fait peur tout seul avec les apparitions qui font souffler
le chaud et le froid, nous frôlent dans la pénombre, nous attirent vers les
contours flous, nous caressent ou nous tirent les cheveux. C’est selon.
On se grise dans les autos tamponneuses de la première
amourette. On s’extirpe de la machine avec des bleus aux genoux et pour
longtemps le cœur en gardera des souvenirs nostalgiques. Quand on monte dans les tasses, coincé entre la paroi de
l’engin et le corps de l’autre qui a bien voulu nous accompagner, le cœur cogne
et s’emballe. On n’est pas sûr de pouvoir redescendre sur terre.
Au chamboule tout, on se croit plus fort que les
autres. A coups de balles de chiffons stériles, on vise la face en carton
bouilli de nos rivaux, les boîtes de conserve de la déconvenue et les premiers
chagrins d’amour qui font souffrir.
On teste la puissance de nos biceps et de notre cerveau
sur la locomotive du lutteur de foire qui nous attend au tournant et qui n’en
finit pas de rire, en se tapant sur les cuisses, après la déconfiture de notre
musculature d’anémié. L’aiguille du cadran n’a pratiquement pas bougé.
Alors, on passe son chemin et on enfourche des chevaux
de bois sur le manège du mariage, pas si inoffensif que ça. Il arrive ce qui
doit arriver : on s’est laissé séduire par la femme-serpent. Trop
tard !
En chemin, on croise le cracheur de feu. Il nous
fascine et nous attire. De spectateur, on est devenu proie sans défense. Quand
on a compris ce qu’il nous a projeté à la face, on ne compte plus les brûlures.
On serre la main des nains méchants déguisés en
puissants qui ont fait carrière, il arrive même qu’on s’agenouille devant
l’homme-tronc qui nous promet monts et merveilles.
A force de monter et de remonter sur le train-chenille,
on finit par avoir le cœur au raz des lèvres. Le tournis de la fête foraine a
eu raison de nous. Nauséeux, il ne nous reste plus qu’à nous asseoir sur le
trottoir, en attendant le bus qui ne mène nulle part, sauf au terminus.
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