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jeudi 7 juillet 2016

Au-delà de la dune



Ce n’est pas la première fois qu’elle rentre tard et qu’en silence elle jette son sac à main avec violence au creux du canapé.
Ce n’est pas la première fois qu’elle s’approche de lui et effleure distraitement sa joue avant de se diriger vers le clavier.
Les touches noires caressées sont celles qu’elle préfère. Il le sait. Il l’a observée. Debout devant le piano, elle hésite. Qui est-il pour elle ce soir ce grand paquebot sombre qui occupe le milieu du salon ? Son ami ? Son confident ? Le seul avec qui elle puisse parler le langage de l’amour perdu ? Elle s’assoit.
Ce n’est pas la première fois qu’il l’entend jouer la Sonate à Kreutzer et ces notes qui sont, pour lui aussi, le langage de la désespérance. Les notes sont des signes, des mots intelligibles. Il les entend. Il les a déchiffrés depuis longtemps, sans jamais exprimer de ressentiment, sans jamais montrer à quel point il souffre de l’aimer encore si fort.
Quand elle s’est éloignée du piano, après avoir seulement interprété le premier mouvement de la sonate, il a cru un instant qu’elle reviendrait vers lui et que des paroles naîtraient entre eux.
Mais, comme certains soirs de la belle saison, elle a ouvert la porte-fenêtre. La brise marine est froide, humide. Ses pas dans le sable blanc se dirigent vers les sentinelles de la sécurité, les poteaux d’interdiction érigés depuis quelques jours. L’océan est gros de menaces en cette fin novembre. Il regarde, inquiet, sans comprendre. Il pourrait faire un geste, l’empêcher de ramper sous les barbelés, crier qu’au-delà de la dune, il n’existe que le danger. Qu’est-ce qui le retient ? Il ne le saura jamais.
Il l’a vue entrer dans l’eau sans frémir, avancer lentement, défaire les cheveux emprisonnés dans le chignon, il l’a vue s’éloigner. Peu à peu, son corps disparaît. Il sait. Il se dit qu’il a toujours su. Les cheveux dénoués ont épousé les soubresauts des vagues. Un point minuscule à l’horizon. Rien.

2 commentaires:

  1. Un texte épuré, qui plonge cette femme dans l'or des mots...
    Bravo !
    Ly Halère

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  2. Pendant longtemps sans doute il verra l'immensité du petit point à l'horizon et entendra le silence assourdissant qui suivit la dernière note de la sonate...

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