Bienvenue

Bienvenue

Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

dimanche 1 mars 2015

LE DEUIL (suite)



Le deuil traumatique est un deuil spécifique dans la mesure où il me semble irréparable. A la fin des années 70, Claudine Vegh, médecin à Paris, est invitée dans une synagogue à une Bar Mitzvah. Elle y rencontre des hommes et des femmes de confession juive, qui vont un peu plus tard accepter de lui parler de ce qui leur est arrivé. Elle procède à 17 entretiens d’adultes qui ont été enfants pendant la seconde guerre mondiale et qui, tous, ont perdu leurs parents, disparus dans la tourmente de la Shoah. Enfants entre 1940 et 1945, arrachés à leur famille, ils ont survécu grâce à ceux qui les ont cachés. Ils n’ont jamais revu leurs parents, les ont attendus longtemps, n’ont rien su des conditions de leur mort, n’ont aucun lieu de sépulture où ils pourraient se recueillir.
Devenus adultes, ils mènent une vie en apparence normale jusqu’au jour où un événement banal de la vie quotidienne a fait basculer leur existence dans un cauchemar. C’est ainsi que Lazare raconte à Claudine Vegh : « Un soir je suis appelé en urgence, j’oublie mes papiers. Contrôle de police : j’explique, je me présente, j’ai le caducée de médecin, je suis à cinq minutes de mon domicile. « Suivez-moi au poste ! »  me dit le policier. J’ai eu une drôle de réaction, j’ai dit : « Jamais ! » Et je me suis couché au milieu de la rue. J’ai refusé de bouger. Ils m’ont transporté au poste. C’est ma femme qui a apporté les papiers et est venue me chercher ! »
La réaction de Lazare, c’est Bruno Bettelheim qui nous l’explique dans la postface du livre, en évoquant la notion de refoulement. Les enfants juifs, arrachés des bras de leurs parents, ont dû se plier à des conditions de vie nouvelles et radicales, côtoyer des gens inconnus, s’adapter à des situations qui leur étaient étrangères. Ils n’ont pas vécu, mais survécu, dit Bettelheim, au prix d’un silence absolu sur un sujet devenu tabou.
Dans le deuil traumatique, on ne parle pas de ce qu’on a perdu. Les mots sont devenus imprononçables. La menace de mort plane au-dessus des enfants, parce que ce qui a anéanti leurs parents est aussi un danger pour eux.
Le refoulement est l’enfouissement au plus profond de nous-mêmes de ce qui pourrait porter atteinte à notre intégrité. Il ressemble à une chute vertigineuse dans le vide immense qui se creuse en nous. C’est un lent processus dévastateur, car il est sans cesse menacé par le surgissement inopiné de ce qui a été refoulé. C’est ce retour du refoulé qui arrive à Lazare au moment où le policier lui demande ses papiers. Il revit alors une scène effroyable, celle où son père, décoré de l’étoile jaune, est interpellé par la police de Vichy devant son fils. Tous les efforts déployés par Lazare pour oublier cette scène traumatique sont anéantis en une fraction de seconde et Lazare est livré à l’angoisse.
Autre deuil traumatique : la disparition des enfants, des jeunes, des adultes dont les portraits souriants s’affichent dans nos gendarmeries. Ces personnes ont disparu un jour, il y a quelques mois, quelques années. On n’a plus jamais rien su d’eux.
Ce que dit encore Bettelheim, c’est qu’il est impossible de faire le deuil des personnes qui ont disparu de cette façon. Ces morts restent en nous. Il n’y a pas d’oubli possible, de paix possible, de guérison possible. La plaie ouverte ou enfouie reste aussi présente qu’au premier jour et ne sera jamais cautérisée.
Dans mon livre, voir le récit de Madeleine page 54

A suivre...







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Votre commentaire sera d'abord modéré par l'auteur de l'article (donc en attente de publication). Et ensuite, il sera publié ou non.