Bienvenue

Bienvenue

Communiquer avec vous, à partir des thèmes qui m'intéressent, et pour lesquels je souhaite vos réactions : l'actualité, les livres, les films, les musiques, et bien sûr les différents sujets auxquels la vie nous confronte.

mercredi 18 mars 2015

Malaise

Je viens de terminer la lecture du livre de Jean-Luc Seigle : "Je vous écris dans le noir".
L'auteur imagine ce qu'aurait pu écrire, dans ses cahiers intimes, Pauline Dubuisson avant de se donner la mort en septembre 1963.
J'en conviens, la vie de cette malheureuse femme a de quoi inspirer un romancier. Précédemment, Clouzot avait réalisé un film à succès : La Vérité avec Brigitte Bardot.
Mais qu'est-ce qui me met mal à l'aise dans le récit de cette vie hors du commun, sinon le fait que l'essentiel doit se débusquer entre les mots de la narration, entre les lignes et dans les blancs des paragraphes ? 
Rappel des faits : deux des frères aînés de Pauline meurent au combat dans les deux premières années de la Seconde guerre mondiale. Pauline a été tondue à la Libération pour avoir couché à quinze ans avec un médecin allemand. Au passage : honte à vous, lâches libérateurs de la France de 1945 qui, en vous en prenant aux femmes, vous êtes trompés  d'ennemis de l'intérieur ! Puis, elle a tué son jeune amant, pour le crime duquel elle a passé neuf années de sa jeune vie en prison. Puis, la voilà au Maroc, tentant de renaître à la vie (mais est-il possible de réaliser ce rêve audacieux quand on a été aussi marquée qu'elle le fut ?). Elle y rencontre un nouvel amour. Apprenant la vérité (celle de Pauline), il l'abandonne. Elle se donne la mort, dans une ultime tentative de suicide, cette fois réussie.
Ce que je veux retenir d'essentiel dans cette vie, c'est le rapport de Pauline à ses parents, ou plutôt celui de son père avec elle. Elle était la dernière des quatre enfants, élevée comme un garçon (pour exemple : le père l'emmène régulièrement à la chasse, celle où on tue sans compter les bêtes innocentes). Elle idolâtre cet homme, paré à ses yeux de toutes les qualités physiques, intellectuelles, psychologiques. Un père qui va pourtant l'abandonner en se suicidant au moment du meurtre commis par Pauline... Et comme un corolaire inévitable d'une relation fille-père fusionnelle, voici poindre le mépris inavouable de la mère, du moins son exclusion. 
Je qualifie, et assume mon propos, cette relation d'emprise incestueuse, Seigle n'en parle pas et je ne lui en veux pas. Mais par le passé, j'ai aidé, dans mon métier de thérapeute, des femmes dont l'histoire d'enfance et de jeunesse fut marquée par un père ignorant sa vrai place de père. J'ai observé les ravages durables produits au cours de l' existence de ces patientes.
On ne se livre pas à quatorze ans aux marins du port de Dunkerque si on n'y a pas été "préparée" par une relation toxique vécue dans sa famille précédemment. Pour moi, là, dans ce nœud malsain de vie, se tient la vérité de Pauline. 
Merci malgré tout à Jean-Luc Seigle dont je veux saluer la belle écriture et qui m'a permis ce matin d'évoquer pour vous ce malaise de lectrice... mais pas seulement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Votre commentaire sera d'abord modéré par l'auteur de l'article (donc en attente de publication). Et ensuite, il sera publié ou non.