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mercredi 7 décembre 2016

Diable d'homme (suite)



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- Pourquoi on les fréquente ? Parce qu’à Paris, monsieur, dans le monde des affaires, si on ne va pas les uns chez les autres, on a du mal à se faire de bons réseaux !... Chez eux, le champagne coule à flots. Moi, je tiens bien l’alcool. Dans mon travail, ça vaut mieux ! Ma femme, non. Elle n’a pas l’habitude. À un moment donné, après le repas bien arrosé, elle s’est levée et a porté un toast à l’hôtesse. Les autres ont applaudi. Ils n’auraient pas dû, elle a pris ça pour un encouragement. Elle s’est mise à chanter à tue-tête O sol e mio. L’assistance trouvait ça amusant sauf les lèvres de la maîtresse de maison. Ça se voyait, sur son sourire de circonstance, pour faire comme les autres. Elle se contentait de pincer sa petite bouche, et…
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- Et moi ? Quoi, moi ? Moi, j’étais gêné, je ne m’attendais pas à ce numéro. Quand elle a fait mine d’avoir trop chaud et qu’elle a arraché son collier de perles… des perles que je lui avais ramenées de Singapour… les sourires se sont évanouis ! Les perles ont rebondi et roulé sur le parquet. À quatre pattes, elle s’est mise à les ramasser en retroussant sa robe longue qui la gênait. Je n’en croyais pas mes yeux : en se redressant, elle a jeté une poignée de perles sur le personnel de service qui commençait à desservir. Je me suis dit que, bien sûr, elle n’avait pas un soupçon de cervelle dans le crâne, mais que quand même, elle allait arrêter de se donner en spectacle ! Puis ses sandales ont volé à travers le salon. Elle perdait tout contrôle d’elle-même ! Les invités ont ricané puis se sont figés et j’ai senti leurs silences, leurs rires étouffés, malveillants. Une toute petite lueur de satisfaction dans leurs yeux. Ils en feraient des gorges chaudes un peu plus tard, c’est à ça que j’ai pensé. À ce qu’ils diraient derrière mon dos. La rage m’a envahi mais j’étais cloué sur place devant l’agitation démente de ma femme.
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- Non, vous n’en savez rien ! Vous n’étiez pas à ma place. C’est facile ce que vous dites… Y’avait qu’à ! Y’avait qu’à !... Y’avait rien à faire pour l’arrêter ! Elle est montée sur une chaise et sur la pointe des pieds, elle cherchait à attraper les ficelles des ballons de baudruche qu’elle faisait éclater avec la pointe d’un couteau. J’ai eu peur. J’étais paralysé, impuissant.
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- Peur de quoi ? Vous en avez de bonnes ! Les invités ricanaient. Certains devaient se réjouir de voir la femme de Manuel Destailles se donner en spectacle. C’était répugnant. J’étais fou de rage. J’ai pensé à mon job, à ma réputation de meilleur trader de la banque… Je l’ai prise par le mollet pour la faire descendre. Elle a crié : « Bas les pattes, sale brute, tu me fais mal ! »
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- C’est pas ce que j’ai dit avant ? J’ai dit d’abord sale brute ? D’accord, mais qu’est-ce que ça change ? Elle s’est débattue et hurlait tout ce qui lui passait par la tête. Toute notre vie privée y est passée… Elle la livrait en pâture ! Elle piétinait ma carrière ! Ça me dégoûtait ! Les vagues de rires avaient cessé. J’ai ramassé son sac à mains et j’ai lancé un petit sourire crispé à la maîtresse de maison consternée par cette exhibition. Sa soirée était gâchée. Je savais que les Lérissac ne me le pardonneraient pas. Quand on a quitté l’appartement, je me sentais comme un petit garçon en faute. J’avais les oreilles qui bourdonnaient et le cœur qui sortait de ma gorge. Dans le taxi… (à suivre)

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