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vendredi 9 décembre 2016

Diable d'homme (suite et fin)



-…….
- Rien, j’ai rien dit. C’’est elle qui m’a d’abord parlé. Comme si rien ne s’était produit la veille, elle m’a lancé : « Salut, chéri. Merci pour le thé. Viens t’asseoir près de moi que je te raconte ce rêve de dingue que j’ai fait cette nuit. »…
-…….
- Bah, oui, je me suis approché du lit. J’étais encore accablé, dégoûté, plein de mépris. Moi, je voulais qu’on reparle de la soirée désastreuse et des conséquences inévitables qu’elle aurait sur mon avenir. Mais d’un geste de la main, comme on fait pour appeler son chien, elle a dit en me montrant le lit : « Viens ! Assieds-toi là. Un rêve, je ne te dis que ça ! Ah ! non, d’abord donne-moi de l’aspirine. Y’en a dans le tiroir de la table de nuit. J’ai trop mal ! »
-…….
- Non, je ne lui ai pas donné autre chose ! Juste de l’aspirine 1000 dans sa tasse de thé. Non, je vous dis ! Vous êtes têtus quand même ! Pas autre chose ! En se frottant les tempes, elle s’est mise à me raconter une histoire de soirée arrosée. Ses anciens amants étaient là, elle en a reconnu trois. Ils avaient tous la tête de Lérissac, peinte en jaune, en rouge, en noir. Des tics nerveux agitaient leurs moustaches, genre Brigades du Tigre, avec des yeux de merlans frits, qu’elle disait… et un chapeau melon enfoncé sur le crâne… Elle me provoquait avec des détails sur ce qu’ils avaient entrepris tous les quatre pour s’amuser ! Et puis elle a dit : « Et toi, mon chéri, t’étais dans ton coin, et tu t’étais fait la tête d’un  affreux diable rouge, avec des oreilles démesurées pour ne rien perdre de nos roucoulades. T’avais la mâchoire grande ouverte. Je crois même que tu avais un dentier car tes dents étaient…Hi ! Hi !Hi ! comment dire, impeccables, trop belles, trop blanches. Mon pauvre chéri ! Même des cornes avaient poussé sur le sommet de ton front ! Comme... dans la vie ! »…

De nouveau, le silence s’installe. L’homme cherche à se gratter le dos en se frottant contre la chaise. Les policiers attendent. Ils savent qu’il va craquer. L’habitude !

- Un sang glacé me montait jusqu’aux yeux. J’avais la tête comme une pastèque prête à exploser. Vide et lourde à la fois. Je me suis levé pour ouvrir le store et les lourds rideaux de la chambre. Une lumière aveuglante est entrée. Ma femme débloquait toujours : « Chéri, reviens ! Donne-moi un gros baiser bien baveux, montre-toi mon chéri au lieu de regarder dehors ! » J’ai crié : « Mais t’es devenue dingue ou quoi ? » Mes pensées s’effritaient les unes contre les autres et elle, elle continuait son bourdonnement de paroles confuses. Je suis sorti sur la terrasse. La tête dans le brouillard. Je faisais les cent pas comme un somnambule et je tremblais en tirant sur ma cigarette. Je me sentais au bord d’un abîme. Dégoûté. Ses phrases fracassaient mon cerveau. Et sa mauvaise voix, haut perché.
-…….
- Hein ? Mais non, je ne pensais à me venger ! Ne me regardez pas comme ça ! J’suis pas un assassin !... Quand je suis revenu dans la chambre… quand je suis revenu dans sa chambre… elle était profondément endormie et couchée sur le ventre. J’entendais sa respiration, un sifflement régulier, un bruit insupportable qui sortait de sa bouche ouverte. Et la masse de son chignon qui lui mangeait la moitié du visage. Par terre, j’ai ramassé machinalement les deux oreillers. En me penchant, j’ai senti son souffle fétide… Après, après, je ne sais plus… Un petit grognement animal… un gémissement à peine audible… un mouvement saccadé des épaules… (Fin)

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