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jeudi 15 septembre 2011

"Habemus papam", un pape de papier chiffonné

Ce que j'aime par dessus tout dans le cinéma italien, c'est son incroyable invention de satires sur les sujets les plus délicats. Depuis longtemps, on le sait, les cinéastes italiens ont choisi de nous faire rire là où il y aurait lieu de pleurer (pour mémoire deux films cultes pour moi : Pain et chocolat et Affreux, sales et méchants).  
Or donc, dans le film Habemus papam, nous assistons à l'élection d'un pape, un cardinal français du nom de Melville ( joué par un extraordinaire Michel Piccoli) et aux rebondissements que suscite la désignation inattendue d'un homme qui se vit comme totalement incompétent.
 Je ne raconterai pas ici le scénario, original, désopilant dans certaines scènes, de notre cher Nanni Moretti qui a su prendre la relève des grands réalisateurs italiens des soixante dernières années. 
Ce qui m'intéresse dans ce film c'est le déploiement de la fragilité humaine. Sous leurs chasubles rouge sang bordées d'or et de dentelles à festons, leurs calottes ajustées, leurs barrettes à cornes géométriques, des hommes ordinaires se battent en catimini avec leurs grandes angoisses de petites personnes. Accrocs aux réussites hasardeuses des cartes, aux puzzles, aux somnifères et aux anxiolytiques censés soigner leurs déprimes, ils tentent de parcourir la vie. Ils y tiennent un rôle, celui du pouvoir exorbitant des porte-parole de Dieu. 
Melville, le pape élu, a vécu son existence en soliloquant sous le regard de Dieu, mais il est passé à côté de sa vraie vie, de sa passion pour le théâtre et Tchekhov. Cet homme ne s'est jamais remis d'avoir échoué à l'entrée au Conservatoire. Certes, au fil des années, la blessure s'est enfouie, refoulée dans les profondeurs de l'inconscient. Les apparats du cardinalat ont opéré le deuil. En apparence seulement. Mais, c'est sans compter sur ce que la psychanalyse nomme le retour du refoulé. L'élection au pouvoir ecclésiastique suprême est l'occasion d'un surgissement inopiné de la blessure non refermée. Chacun de nous est à même de trouver dans sa vie un événement particulier à la faveur duquel un traumatisme ancien ressurgit, inattendu, implacablement douloureux (voir ce qu'écrit très bien à ce sujet Lionel Duroy dans son roman Le chagrin). Melville voulait être comédien. C'est sa sœur qui est entrée au Conservatoire. Il y aurait là, rien que là, matière à disserter sur l'adversité fraternelle, sur son enfouissement sous le boisseau de la banalisation des rapports familiaux... Mais j'aurai sans doute l'opportunité de l'évoquer un jour. Revenons donc à notre pape, qui en échappant à la vigilance de ses gardes du corps, s'enfuit, bat le pavé romain et s'enivre des moindres spectacles que lui offre cette escapade.  J'aime ce parcours symbolique, initiatique, d'un vieil homme qui recontacte son Soi originel, ses besoins, ses désirs, qui apprend à dire non (peut-être pour la première fois de sa vie), à repousser le pouvoir religieux. Mélancolique, névrosé dépressif jusqu'au jour de son élection, Melville dans son errance découvre l'homme qu'il aurait voulu être et l'assume. Il n'est jamais trop tard pour être soi !       
 

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